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Voie des " Grands Surplombs " à Tête Noire



14 aout 2000

Le retour de Corse fut, comme de coutume, difficile à digérer, mais il faut se reprendre. La meilleure façon de penser un peu moins à un grand amour que l'on a du quitter, c'est bien évidemment la montagne. L'engagement, le plaisir, le dépaysement y sont tels que l'on peut s'évader efficacement, et rêver à d'autres horizons. Mon retour à Vénosc s'opère le samedi 12 août, date à laquelle Matthieu reprend le chemin de Rumilly. Un heureux hasard me donne l'occasion de le saluer, sur la route, alors que La Menace s'en allait le déposer à la gare de Bourg. Un court moment de retrouvailles qui m'a fait grand plaisir. Le week-end s'annonce plutôt festif : Tof, Manu, et tenez vous bien, Véronique (Miss Tof en personne) sont annoncés au chalet Bertrand. De quoi passer quelques bonnes soirées, et surtout découvrir la jeune femme qui a conquis le cœur du plus célèbre " Cheveux jaunes " de Grenoble !

Deux jours de rigolades franches et de souvenirs mythiques, sur lesquels nous ne reviendront pas, ou alors si peu. Citons pour mémoire ma légendaire déclamation sur l'amour, qui s'est terminée dans un étouffement élégant accompagné de son rendu délicat directement dans un paquet de petits salés apéritifs. Enfin, citons la sortie à la piscine municipale de Vénosc, un moment agréable où nous retombâmes en enfance sur le toboggan !

Lundi 14, retour des choses sérieuses. Manu décide d'aller skier aux 2 Alpes, Tof et Véro passeront la journée en amoureux, alors que Max et moi-même avons enfin arrêté un choix : ce sera la " Voie des Grands Surplombs ", à Tête Noire. En ce moment, nous sommes tous les deux portés sur le caractère " terrain d 'aventure " de l'escalade. Notre démarche est celle de deux grimpeurs épris de pureté, d'un style traditionnel : peu ou pas d'équipement en place, une face engagée, et surtout des itinéraires rarement repris. Notre objectif s'inscrit parfaitement dans cette logique. La voie des " Grands Surplombs " est une voie très peu fréquentée, peu équipée, et dans laquelle une retraite n'est pas forcément aisée. Par ailleurs, l'approche est ludique et se fait " à niveau ", ce qui est une bonne nouvelle si l'on se souvient que ma cheville récalcitrante (grosse entorse contractée au beach volley en Corse... no comment) n'est pas encore remise...

La journée commence assez tard. Nous prenons le temps de petit déjeuner correctement, avant d'aller boucler les sacs au sous-sol. Une activité qui s'avérera plus amusante que prévu : nous décidons de planter quelques pitons extra-plats dans le plafond du garage, sans nous soucier du fait que Tof et Véro occupent la chambre qui jouxte ce dernier. Ping ! Ping ! Ping ! Ping ! Les coups de marteau à répétition résonnent sans mollir dans tout l'édifice, jusqu'à ce que les clous soient en place, tête en bas. Nous enfilons nos baudriers, puis clippons un ficelou aux pitons : l'heure de se pendre dedans a sonné ! Une petite vingtaine de kilos de pression est suffisante pour que nos pitons s'arrachent violemment et que nous nous retrouvions le cul par terre, avant d'être terrassés par une crise de rire ! Nous coiffons nos casques par précaution, puis recommençons l'opération : Ping ! Ping ! Ping ! Ping ! Nous n'arrêtons pas ! Bientôt, nos pitons tiennent passablement dans le toit (en briques !) du garage, et nous pouvons partir pour Briançon, dans un brouhaha joyeux. Si Tof et Véro n'ont pas été réveillés, c'est qu'ils sont morts !

La route est longue : nous allons pratiquement jusqu'à Briançon, en effectuant quelques arrêts : l'oubli du couteau à cordelette nous contraint à l'achat d'un mini-opinel, puis nous nous offrons un petit appareil jetable pour immortaliser nos exploits en pleine action ! Le mois d'août nous apporte son cortège d'incapables au volant, ce qui rend le trajet d'autant plus long et nerveusement éprouvant. Nous nous rendons au Col de Buffère, à deux mille quatre cent mètres d'altitude, et nous sommes bien contents d'avoir choisi la Golf de Max : le chemin terreux et long de plusieurs kilomètres qui y mène aurait certainement pris une éternité avec ma propre auto…Nous immobilisons notre " tout terrain "-mobile aux côtés d'une 4L des plus pourries qui nous fait sourire.

Une fois sur place, plus de temps à perdre : il est déjà plus de onze heures ! Les sacs sont fixés sur le dos, une gorgée d'eau infecte provenant de la vieille gourde plastique de Max, et nous sommes lancés. Au bout de quelques mètres seulement, Max fait demi-tour : il a oublié notre appareil jetable. Allons bon, espérons que ce petit détail sera le dernier. Un peu plus loin, c'est à moi de passer pour un âne : ma polaire est sur la banquette arrière de la Golf ! Je cours la récupérer et cette fois, tout y est, nous carburons. Le sentier, pas toujours évident à suivre à cause des nombreuses bêtes qui en tracent d'autres, suit la montagne à peu près à flanc, avant de descendre. Une fois à l'aplomb de Tête Noire, nous remontons sévèrement vers le pied de la paroi. Quelques grimpeurs effectuent eux aussi la marche d'approche, mais nous ne sommes pas inquiets : notre voie n'est que très rarement répétée, l'équipement en place est peu nombreux et obsolète, aucun risque d'embouteillage. Les gens vont certainement grimper sur la petite arête en AD ou par la voie de la " Grand Mère ", toute équipée. Par ailleurs, le temps est au beau fixe, donc une grande journée s'annonce. Elle allait en fait surtout être longue...

Alors que nous nous approchons du dièdre caractéristique de départ, nous sommes interloqués :

-" Putain, t'as vu, il y a des grimpeurs dans notre voie ! "

- Merde, je crois bien que t'as raison. C'est pas vrai, cette voie n'est jamais parcourue, et aujourd'hui précisément, deux cordées veulent s'y attaquer ? Ca fait ch... !

Nous ne sommes pas des plus heureux... En nous approchant, nous découvrons qu'il s'agit là de deux Italiens. Ils n'ont pas l'air de comprendre le français. Les commentaires peu flatteurs à leur encontre vont bon train. En effet, la vue du second grimpeur nous a laissé deux certitudes : son équipement (pitons, câblés...) indique que cette cordée part dans " Les Grands Surplombs ", et sa vitesse de progression dans du 4+ trahit un niveau bien insuffisant pour se lancer dans une telle aventure. Nous maudissons ces deux rochassiers du dimanche, la mauvaise surprise qu'ils nous offrent, leur rythme, les pierres qu'ils n'hésitent pas à envoyer par le fond...rien à vrai dire ne nous plaît vraiment chez eux ! Nous décidons cependant de ne pas rester inactifs: il s'agit de les devancer ! Nous nous équipons à la hâte. Le sac à dos est lourd, et le Yak aussi : toute la panoplie est là : dégaines, sangles, pitons variés (des universels mous aux extra plats durs en passant par les cornières...), un jeu complet de coinceurs câblés et mécaniques, le marteau... même le grimpeur de tête se retrouve chargé comme un mulet !

Max s'élance le premier et dépose le second de cordée transalpin, tout tremblottant sur ses prises de pieds approximatives, et tout affairé à retirer un friend. Un coinceur dans la longueur pour toute protection, un relais à peu près correct, et c'est à moi d'enquiller. Je grimpe assez rapidement, et rejoins Max. Bonne nouvelle : les " ritals " se sont trompés de départ et partent en réalité dans la " Grand Mère ". Bon, c'est toujours ça de pris. Cette voie est équipée et beaucoup plus facile. Matthieu et La Menace l'ont avalée en trois heures trente minutes il y a quelques temps. Je récupère le pesant Yak en échange du sac à dos, et m'élance dans ma première longueur en tête : du 5+, il s'agit d'être concentré d'entrée de jeu. Je place les coinceurs, insère les friends tous les dix mètre à peu près, et j'arrive à un vieux relais, que je renforce à l'aide d'un câblé. Max est efficace en second, et c'est bientôt à lui de repartir. Nous grimpons à un rythme presque honorable, en perdant cependant un peu de temps dans les manipulations au relais : pas question d'avoir un amarrage foireux qui précipite toute la cordée dans la vallée : il s'agit de bétonner l'affaire ! Max s'échappe de nouveau, la corde défile dans ma plaquette, s'arrête parfois quelques instants le temps que La Menace place une protection, puis reprend sa route vers le haut. Un peu plus tard, la corde ne bouge plus. Ping ! Ping ! Ping ! Un doux son métallique parvient jusqu'à mes oreilles : Max doit être en train d'installer le relais. En effet, il ne tarde pas à me faire comprendre que je peux cesser de l'assurer. Lorsque tout est prêt, je quitte mon emplacement et reprends ma progression vers le haut. Max me prévient que son relais n'est pas des plus sécurisants. Bah, je verrai bien, me dis-je tout bas. Arrivé là-haut, je constate en effet que la Menace dispose d'un assurage honnête mais sur lequel je n'aimerais pas tomber quand même. Il m'annonce par ailleurs que la longueur qui suit, en 5+, n'est apparemment pas évidente. Sans trop y penser à l'avance, je me charge du matériel inhérent au premier de cordée, en lui cédant avec bonheur le maudit sac à dos, pourtant indispensable. Le relais se tient dans une fissure inconfortable, et la voie poursuit sur la droite un peu plus haut, où se trouve une margelle sur laquelle il va falloir se hisser. En 5+, cela doit grouiller de bacs, aucun problème. Je monte en opposition dans la fissure-dièdre jusqu'à pouvoir attraper la margelle avec les mains. Mais là, il y a un hic : c'est lisse comme le cul d'un bébé, pas moyen de crocheter quoi que ce soit ! Les mains glissent, les pieds sont à plat sur le mur vertical qui file vers le vide. Merde, que faire !

-" Putain La Menace, ça va pas, il est glauque ce plat ! Je glisse, fais gaffe ! "

- Te vautre pas t'es en facteur 2 ! Le truc on sait pas s'il tient ! prévient Max.

Je m'arrache pour aller chercher plus loin sur la margelle : au fond, une fente type " boîte à lettres " ! J'y glisse la main et dispose maintenant d'une très bonne prise pour me hisser ! Génial, on va pouvoir continuer plus décontractés... La suite de cette longueur est assez pénible. Une renfougne, toujours délicate à négocier quand tout le matériel se coince...suivie d'une sortie en fissure, un peu herbeuse, mais jolie. Les pitons sont déjà en place, je peux monter mon relais rapidement, et sommer à Max de venir me rejoindre. Il dispose ensuite d'une longueur en rocher rouge aléatoire (juste après le relais), qui continue en une rampe renfougnesque montante qui s'achève sous les méchants toits qui nous barrent l'accès à la partie supérieure de la face, et que nous franchirons dans leur ligne de faiblesse un peu plus tard. Max se bat comme un beau diable, et monte très rapidement jusqu'au relais délabré sous les toits. Il s'affaire à renforcer ce dernier, à l'aide de sangles et d'un friend, qui supportera son poids pendant une demi-heure. Je galère un tantinet dans la rampe-renfougne avec ce fichu sac qui ne fait que se coincer, mais je suis bientôt à mon tour dans la traînée noire où se trouve le relais. Nous sommes maintenant très près de la longueur d'artif qui est donc réservée à Max : un passage en A1/A2 qui remonte le surplomb central des toits énormes pour débarquer dans la partie sommitale de la face. Pour y accéder, une longueur en 5+ " délicat ", toute en traversée, qui s'adresse à moi . Je commence par remonter la fissure noire jusqu'à me trouver vraiment sous les toits. De là, une fissure horizontale part sur la gauche, et me fait découvrir un spectacle grandiose : les toits sont vraiment impressionnants, leur avancée dépasse dix mètres, je n'arrive pas à croire que nous allons passer par là ! En fait, je ne vois pas encore le cheminement que nous allons emprunter. Je me déplace prudemment, prêtant la plus grande attention à ma pose de pieds, et plaçant très régulièrement un nut ou un friend dans la fissure horizontale, histoire de protéger ma progression. Un peu plus loin, je croise un piton. Je me souviens que le Topo parlait d'un " rappel pendulaire en traversée" à effectuer. Je me fais donc mouliner à partir de ce piton pour perdre un peu d'altitude et je continue à traverser sur ma gauche. D'un coup, la suite de la voie m'apparaît : je dois remonter jusque sous les toits, au niveau d'une minuscule plate forme, qui donne sur une grosse fissure surplombante qui lézarde le toit jaune, d'où pendent des bouts de cordelette usée : c'est à coup sûr par là que nous devons passer ! Je remonte une dalle assez lisse en direction de la fissure centrale des toits. J'hésite à planter un piton au niveau d'un piton solide au cours de cette remontée pour y installer mon relais, puis me ravise : j'irai jusqu'au début des difficultés de la longueur de Max.

La petite plate forme est des plus inconfortables : rien pour s'asseoir, un vieux piton, et c'est tout ! Sachant que la longueur suivante peut être amenée à solliciter sévèrement le relais, je me mets à l'ouvrage pour proposer à mon compagnon des ancrages qui le mettront en confiance. Je plante un piton mou, et surtout, insère avec grand soin deux gros friends dans deux fissures un poil moussues mais bien régulières. L'amarrage me semble très solide, j'indique à Max qu'il peut deséquiper son relais et commencer à grimper de nouveau. Lorsqu'il arrive à mon niveau, nous ne perdons pas de temps en conjectures : La Menace est concentré, il récupère tout le matériel, sort l'étrier que nous avons acquis à Bourg ces derniers jours, et s'engage dans la longueur d'escalade artificielle. Il s'en tire à merveilles : un pied dans l'étrier, il force sur le piton auquel il est suspendu, attrape le ficelou suivant, place une dégaine, clippe une sangle, se vache plus haut, deséquipe le piton précédant, et continue. J'en profite pour prendre quelques clichés, un peu en contre jour, certes, mais qui seront sûrement sympathiques ! Bientôt, il disparaît, et je n'entends plus que des grognements, des soufflements, le cliquetis habituel de la quincaillerie qui pend à son baudrier et porte matériel. Plus tard, il place un coinceur de progression, puis, encore plus tard, me crie qu'il a recommencé à passer en libre. Quelques coups de marteau parviennent ensuite jusqu'à mes oreilles, il est à nouveau au relais, c'est à moi de grimper. Je passe un peu de temps à récupérer mes friends et mon piton, puis galère royalement dans la longueur où je ne dispose malheureusement pas d'étrier. La dépense physique pour grimper et récupérer le matériel est très énervante... Nous sommes maintenant près de l'arête S, que nous devons rejoindre : trois à quatre longueurs maximum. Une fois de nouveau en compagnie de Max , je continue de grimper, en prenant une direction générale vers la droite de la face, pour recouper l'arête sous peu. Mes nouveaux 5-10 me font vraiment souffrir, mais il nous faut sortir, d'autant que nous sommes dans la voie depuis pas mal de temps maintenant ! Max monte comme une balle derrière moi, puis reprend son élan effréné vers le haut, jusqu'à un relais sur un peu plus tranquille. Je le rattrape, et repars vite, en direction d'une brèche qui indique la sortie sur l'arête. De là, nous serons tirés d'affaire, on pourra progresser corde tendue vers le sommet, puis gambader sur le sentier qui redescend vers le Col. La longueur que j'effectue est exposée (je ne peux y placer qu'un petit coinceur), et lorsque j'arrive sur la brèche, une désagréable surprise m'attend : l'arête est très raide (dans le 6 au moins), et l'autre côté est à pic ! Impossible de passer par là ! Je tente sur ma gauche, en remontant quelques mètres. C 'est alors que j'aperçois nos " amis " Italiens en plein rappel. Ils sont malgré tout arrivés au bout de " La Grand Mère ", et en font la descente de cette façon. Etrange, quand on sait qu'une sente par du haut. Enfin... Ils me conseillent de taper des rappels moi aussi, argumentant qu'il est déjà dix neuf heures trente. Déjà ! Comme le temps passe vite. L'artif a du nous prendre plus de marge que prévu ! Je m'active. A gauche, je n'ai plus assez de corde. Je retourne donc sur mes pas vers la brèche, où j'installe un relais comme je peux : un micro-coinceur et deux autres câblés, une sangle pour répartir les masses, voilà qui devrait faire l'affaire. Je ne souhaiterais pas que Max chute, mais bon, c'est du 4+, il ne va quand même pas tomber ! Max arrive, s'empare du Yak, et s'envole vers le haut en passant par la gauche, sur mes traces, avant que le bout de corde ne m'ait obligé à faire relais. Il disparaît rapidement de ma vue, puis, un quart d'heure plus tard, c'est la joie : il est sur l'arête S, et elle est d'un niveau bien plus abordable qu'à la brèche, nous pourrons progresser corde tendue ! C'est gagné !

J'arrive bien vite à son niveau. Nous préparons des anneaux de corde, puis partons vers le sommet. Le soleil a bien décliné, il est en train de se coucher, et la luminosité est bien plus faible. Dès que nous pourrons apercevoir la sente de descente, il va falloir prendre des points de repère : nous ne disposons d'aucune frontale, et la nuit va tomber vite. L'arête sommitale est très aérienne, le rocher est délité, et nous devons passer assez souvent d'un côté puis de l'autre de la crête avant de déboucher sur le sommet. Il nous a fallu près d'une heure d'escalade facile mais délicate pour l'atteindre depuis la fin de la voie ! Nous lovons la corde à la nuit tombante, renfilons nos chaussures de marche pour le plus grand bonheur de nos pieds meurtris, plions le matériel à la hâte, enfilons nos polaires, et sautons de bloc en bloc dans le pierrier qui mène à la sente. Nous la trouvons au moment où l'obscurité atteint son rythme de croisière pour la nuit. C'est une belle nuit étoilée, mais nous sommes encore à deux mille neuf cent mètres d'altitude, et la voiture est loin. A Vénosc, où nous sommes attendus pour dîner vers vingt heures (alors qu'il est vraisemblablement près de vingt et une heures...), les amis doivent commencer à s'impatienter... La sente se fait plus vague, et ne perd pas beaucoup d'altitude, en tout cas pas assez à notre goût. C'en est trop. A la lumière de la pleine lune qui nous fait l'amitié d'être de la partie, nous décidons de désescalader un pierrier d'où émergent tout de même des tours rocheuses d'une cinquantaine de mètres de haut. Il s'agit de ne pas abîmer ma cheville, et je préfère descendre à mon rythme plutôt que de suivre un Max en pleine forme qui dévale à pleine vitesse. La nuit est là et bien là, rien ne sert de se presser à présent. L'ambiance est d'ailleurs très particulière. Il fait nuit, mais la lune nous aide beaucoup, et nous distinguons tout de même assez bien le relief. La montagne s'endort, pas la beauté qu'elle dégage. Des instants de calme et de paix qui resterons gravés dans nos mémoires. Nous tirons sur la gauche en perdant toujours de l'altitude. Un premier plateau, puis nous continuons notre descente sur des pentes l'herbe assez raides où gisent quelques pierres éparses. Nous avons de la chance : au bout d'un bon moment, pas de doute, nous sommes sur le sentier ! Victoire, il suffira de le suivre, en faisant attention : il est piégeux, nous nous en sommes rendus compte à l'aller. Les moutons et vaches qui se promènent dans ces pâturages sont de fervents traceurs de sentes, et il s'agit de ne pas choisir une de leurs oeuvres plutôt que le bon chemin...sous peine de s'égarer pour de bon !

Cette sage résolution nous apparaît d'autant plus justifiée qu'une bonne demi-heure plus tard, nous sommes obligés de constater les faits : nous sommes perdus. Pas épuisés, pas effrayés, juste un peu assoiffés et affamés, mais perdus. Nous connaissons la direction générale à suivre pour atteindre la voiture, nous savons que nous devons rester à niveau d'une manière générale, mais nous n'avons pas la moindre idée d'où se trouve le sentier " originel ". Plus haut ? Sans doute. Plus bas ? Pas impossible. S'ensuit alors un parcours du combattant, les yeux scrutant la montagne à la lumière de la lune pour retrouver l'improbable sente... Nous n'y parviendrons pas ! Bien plus tard, alors que nous hésitions à remonter vers le col ou descendre deux cent mètres plus bas vers un petit parking en terre où nous avions repéré des voitures que la lumière fut : les frontales de nos deux amis Italiens qui s'étaient empêtrés dans leurs rappels ! Ils remontent ! Nous en faisons autant, pour arriver aux voitures (dans le plus grand soulagement), que nous atteignons en même temps qu'eux, alors que nous avions près de deux heures de retard au sommet de Tête Noire ! (Vu leur rythme en première longueur, c'est dire si leur itinéraire n'était pas du même niveau que le nôtre...) Nous sommes absolument ravis de retrouver cette bonne vieille Golf ! A ses côtés, une seule voiture demeure : la bouse qui était il y a fort longtemps ... une 4L neuve ! Ma, elle appartient à nos amis " ritals " ! Un coup d'oeil sur l'horloge du tableau de bord : vingt trois heures quinze déjà ! ! ! La vache ! Ils doivent être morts d'inquiétude au chalet ! Sans parler de mes parents que je soupçonne d'avoir appelé les copains pour savoir où nous étions passés... Vite, pas de temps à perdre : on jette les affaires de grimpe dans le coffre et en avant la musique, direction Briançon : boire, manger (un petit Mac Do nous fait rêver debout), et surtout téléphoner pour rassurer tout le monde !

Nous embarquons dans la vieille Golf bleue, et Max donne un coup de clé. Elle démarre, fait quelques mètres, puis perd du régime, et cale. Plusieurs tentatives s'enchaînent, toutes aussi infructueuses ! Merde ! On ne va tout de même pas passer la nuit ici ! Un peu de persévérance...et c'est gagné, la petite Volkswagen tousotte et crachotte sur la route en terre qui nous ramène vers la civilisation ! Nous sommes à peu près certains que le Mac Do ferme à minuit, comme partout. Max envoie par conséquent du bois dans la chaudière pour que nous puissions y être à l'heure. Mission accomplie : nous immobilisons la Golf sur le dit parking à onze heures trente cinq. Malheureusement, l'ignoble fast food ferme à onze heures ici... Ecoeurés, nous nous dirigeons vers la station Total en contrebas. Une bouteille de Coca frais, des gâteaux, des chips, nous faisons notre petit marché, et attaquons les victuailles avec un certain appétit ! Il nous faut maintenant appeler Vénosc pour rassurer tout notre petit monde. La cabine qui nous est indiquée par le pompiste ne marche pas ! Décidément... Nous revenons à la station, où la gérante nous fait cadeau d'un appel vers Bourg d'Arud. Sympa, nous pouvons parler à un Tof soulagé d'entendre nos voix, et qui s'empresse de prévenir le PGHM de notre retour sains et sauf ! Lorsque nous arrivons à Vénosc, il est plus d'une heure du matin...

Le thème des voies anciennes sera de nouveau étudié quelques jours plus tard, le temps de récupérer de notre aventure précédente.

Romain de Lambert

[..] suite à la Tete de l'Ours