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Un récit sous Sélé

La Livanos à Sialouze et Pierre Allain au Pic sans Nom


10 et 11 Août 2000

Mercredi 9 août 2000, la décision est prise de monter au refuge du Sélé avec pour double objectif, la Livanos à Sialouze puis, le lendemain, la Pierre Alain au Pic Sans Nom : deux fortes personnalités pour deux beaux itinéraires aboutissants à de vrais et grands sommets (La Maye, Tête Blanche et les dalles de l'Encoula, c'est bien joli (et encore) mais il était temps de se mettre à des itinéraires de plus grande envergure) .

Pourtant avant de prendre l'interminable route conduisant de Venosc à Ailefroide, je n'avais pas une grande motivation : 15 jours de huis clôt avec Max commençaient à laisser des traces sur notre bonne entente et l'absence de Lily n'était pas pour améliorer ma sérénité et mon envie d' " engager " ... presque marre de la montagne, c'est dire!

Quand enfin nous sommes arrivés à Ailefroide, après l'achat de coinceurs et du Labande dernière édition, il était déjà relativement tard et le temps indicatif donné pour rejoindre le Sélé (3h30) nous laissait craindre un accueil bougon du gardien, généralement peu ravi quand on se pointe après 21h30... Finalement, c'est en moins d'une heure trois quarts que nous avons rejoins le bâtiment de pierre et de tôle d'Héronville ( ?). La motivation demeurait moins présente que la forme physique, en effet, s'il m'arrivait de ruminer intérieurement des " qu'est-ce-que-je-fous-là ou vivement-dans-deux-jours ", nous n'avons nullement du forcer sur la machine pour diviser par deux cet horaire visiblement destiné aux octogénaires botanistes... Pourtant mon sac, rempli de bouffe, de quincaillerie et assorti de sa paire de " grosses " devait friser les vingt kilos. Max, qui profitait d'un matos plus léger (pas de grosses sur le sac, polaire légère, corde plus courte, pas d'appareil photo), dans son inénarrable sens du partage, n'a bien sur rien fait pour équilibrer un tant soit peu la répartition du matos... encore de quoi ruminer pendant cette montée.

La bonne nouvelle de la soirée était l'heure du lever pour le lendemain : 7 heures. On pouvait presque espérer passer une nuit correcte. C'était sans compter sur le ronfleur de service, qui emplissait le dortoir de ces éructations gutturo-nasales. Finalement, avec une bonne fin de nuit, le réveil tardif ne fut pas trop dur et nous partîmes à 7h40 du refuge, sous le soleil, direction la face sud ouest de l'Aiguille de Sialouze.

Pourtant, arrivé au pied, le soleil nous avez quitté, non pas qu'un quelconque nuage assombrissait le ciel, mais, seulement, cette face sud avait le mauvais goût d'être bordée sur son flan droit par une arête cachant l'astre solaire. Le départ était donc un peu frisquet. Après s'être équipé et avoir démoulé sur une vire graveleuse, j'assure Max dans la première longueur, faciles tous les deux. Premier relais, premier bruit métallique : les marteaux et pitons, que nous n'avions utilisé jusqu'à ce jour que dans un but ludique (aaah, l'artif sur le plafond en moellons du garage de Venosc!) , allaient donc connaître aujourd'hui leur baptême du feu sur le terrain. Je pars à mon tour, récupère un extra plat qui avait échappé aux main de la Menace, rejoint ce dernier et poursuit en tirant à gauche sur une vire inclinée débonnaire. Une sangle sur une proéminence, un piton, allez hop ! Relais ! Pendant que Max me rejoins je peux observer le premier passage de V+ de la voie, décrit comme engagé et représentatif de ce que représente " un bon V+ Livanos ". Max n'en fait qu'une bouchée et continue en bout de corde de chez bout de corde pour relayer sur un extra plat et un universel. Ma longueur est une grande traversée ascendante à gauche jusqu'à me situer 30m à la verticale des grands surplombs, bien visibles du bas. Max repasse en tête pour les rejoindre, puis en tant que préposé aux traversées ascendantes à gauche je me charge de les contourner jusqu'à un relais sur spit, commun avec une voie Cambonnienne. La Livanos repart droit au dessus dans du 6a qui était coté A1/A2 sur le Labande ancienne édition. Au dessus je dois me taper un dièdre cheminée renfougne de merde comme je les aime. J'y perd pas mal de temps en m'y enfonçant au fond pour pitonner, mais bon pour reprendre le Grec " mieux vaut un piton en plus qu'un homme en moins! ". Après 40m et presque autant de minutes, j'arrive enfin au relais. Encore une longueur en V/V+ pour Max et nous en avons fini des difficultés. On tire encore une longueur puis nous atteignons la crête sommitale après une soixantaine de mètres en corde tendue. Après quelques minutes de pause nous repartons toujours en corde tendue pour 40m de IV en beau rocher jusqu'au sommet.

La descente en rappels bien équipés ne pause pas de problème. Par contre, en dessous, Max réussit à se trancher la main dans une nimp' descente sur le cul du névé en bas de la face...

Le lendemain, changement de décors ... enfin pas tout de suite car l'approche est identique jusque 3000m, ensuite nous nous enfournons dans le couloir du coup de sabre, qui, de ce côté, n'oppose pas de pentes supérieures à 45°. Le soleil illumine déjà les faces sud du Coolidge et des Ecrins quand nous aboutissons au col. En levant les yeux à notre verticale, nous avons dans notre même champ de vision les deux piliers du Sans nom et du Pic du Coup de Sabre. En les baissant, nous tombons sur le toboggan glacé du couloir Nord, qui avec ses 59° est un de nos rève de skieur ou surfeur de pente raide. Bref toutes ces lignes sont bien fuyantes et l'ombre du versant ouest qui nous attend ne fait que rajouter à cette ambiance austère qui nous entoure.

Nous troquons notre matériel glacière contre celui de rochassier 30 mètres au dessus du col, lorsque la dernière langue de neige bute conte un mur rocheux d'allure facile mais pourrie. Pour le moment, ça caille bien et on garde les grosses pour ne pas avoir à se geler les pieds et aussi parce que le terrain le permet. J'attaque donc avec beaucoup de précautions ce rocher assez dégueux. En deux trois longueurs et un changement de pompe pour moi (Max restera tout le long dans ses grolles de rando), nous atteignons assez facilement l'étroite vire qui barre toute l'arête ouest et à partir de laquelle, l'itinéraire doit être plus évident En effet, jusqu'ici, ça passait un peu partout et il faudrait une bonne dose d'imagination pour prétendre que Max, au passage, a bien remonté ce que le Labande appelle une "fissure en forme de chaise" (sic!).

A partir des "encorbellements" (re-sic!) de la vire où Max a posé son relais entre deux stalactites, l'itinéraire remonte plus ou moins directement un système rectiligne de dièdres / cheminées. Pour l'instant il me s'agit de traverser 10m sur la droite, de remonter un mur en V et de retraverser à gauche dans le font du dièdre. Je perds un peu de temps et un Universel à vouloir pitonner d'une main dans le dièdre humide, le sifflement du clou s'accompagne d'un juron et je doit repartir sans autre assurage qu'un mauvais piton, fort lointain de surcrois. Je fais relais quand le dièdre bute contre un mur raide. Max me rejoint puis franchit le mur par un passage de IV+ très "bloc" 5 mètres à gauche du relais, après quoi il traverse au dessus et reviens à mon aplomb, remonte sur encore sur une dizaine de mètres la suite du dièdre cheminée et relaye. Une petite lecture du topo nous indique qu'au bout de 40 m de ce couloir, nous devrions aboutir à un épaulement à partir duquel il faudra traverser sur la droite. Max ayant déjà bien remonté la moitié de la longueur indiquée, je m'attends à devoir rapidement bifurquer à droite. Je me lance donc dans la cheminée encombrée de glace et à ma surprise, 10 m au dessus je ne suis pas du tout à un épaulement : 2 cheminées parallèles continuent dans le même axe que celui jusqu'ici emprunté et à ma droite un cheminement peu évident semble sortir très haut sur l'arête. Je tergiverse et finis par me lancer sur ma droite. Et là , c'est l'horreur : rien ne tient, le rocher est exécrable. Du rocher pourri, on en avait déjà connu, par exemple dans la Livanos d'Archiane, tout en haut , mais c'était du II, on n'avait pas eu à tirer avec les mains sur le rocher. Ici, c'est vertical, des blocs de plusieurs dizaines de kilos bougent, et je dois quand même me hisser . de plus, il ne s'agit pas d'en faire tomber car Max est le point de convergence de tous les projectiles. Après plusieurs grosses frayeurs et une dizaine de mètres, je peux passer une sangle sur une proéminence qui bouge quand je tire horizontalement dessus mais qui à l'air de tenir quand l' effort vient du bas. C'en est trop, mes nerfs ont été mis à dure épreuve, au dessus, ça n'a l'air guère mieux. Je décide donc de faire relais de faire monter Max , au moins jusqu'à la plate-forme dix mètres en dessous pour voir ce qu'il en pense. Je plante un piton en U nimp (en fait, il n'a fait que fragiliser la proéminence où se situer la sangle en l'écartant du reste de la paroi!). Max monte. De toute évidence il fallait continuer tout droit Je le rejoins donc par un rappel sur ma sangle de merde (le piton lui a été retiré sans le moindre coup de marteau!) Je descends en serrant les fesses et en limitant au maximum tout à-coup. Beeuurk! On est mieux en bas. Cet épisode nous a fait perdre une bonne demi heure et m'a bien calmé... Max continue donc dans la cheminée de gauche, relativement pénible mais en rocher nettement plus sur, en jurant de temps à autre contre son piolet qui l'empêche de ramoner librement. Il arrive enfin à l'épaulement précité. La face se fait moins oppressante, moins austère. Il ne me reste plus qu' à traverser sur la droite pour rejoindre la fin des difficultés et trouver le soleil que l'on sent poindre tout près. J'aborde cette dernière longueur en gardant en souvenir ma déconvenue une longueur plus bas, mais la tension s'évacue très rapidement : le rocher est irréprochable et la longueur presque surprotégée! Jusqu'à présent nous aurions pu compter les pitons rencontrés sur les doigts d'une seule main et là, pour seulement 25 mètres, les deux nous suffisaient à peine!

Si nous sommes à la fin des grosses difficultés, la vue du sommet du Pic Sans Nom nous rappelle vite que la course ne s'arrête pas là! De plus de gros nuages bourgeonnent un peu partout et on sait tous les deux qu'il ne vaut mieux pas traîner. L'arête, d'abord fort commode jusqu'un un petit col, devient mixte et se redresse ensuite suffisamment pour que la corde soit de nouveau sortie. Max passe devant

[fin du récit -laissé tel quel- écrit en 2000: la suite vient de souvenirs. Et oui, en ce mois de novembre 2004. plus de 4 ans ce sont écoulés!]

Après une première partie sur le fil, une traversée versant Sialouze nous permet de rejoindre le débouché du grand couloir Nord-Nord-Ouest. La suite est facile, mais l'altitude et la fatigue commencent à se faire sentir. Le sommet est donc atteint avec soulagement. La vue depuis ce haut sommet de l'Oisans, qui ne doit rarement voir foule en sa cime, est magnifique. Malheureusement les cumulus qui commencent, ça et là, à prendre du volume ne nous incitent guère à musarder, surtout que 2400m de dénivelée nous séparent encore du parking!

Nous entamons donc la descente par le couloir Sud décrit par le Labande comme la voie normale de ce sommet. Il faut progresssivement tirer sur notre gauche, et le terrain, de pas-franchement-rando en haut, devient vite carrément-chiant: rocher déliquescent et pente proche de 50 degres avec des ressauts. On ne songe pas à s'assurer, le terrain ne le permet pas. Il ne nous reste qu'à rester vigilant.

La vire par laquelle on doit s'échapper vers l'Est finit par se dessiner. Avec elle le terrain devient moins raide, et la tension commence à se relacher. Un dernier rappel qui se transforme en douche revigorante et nous voila au pied de cette face.

Si la suite de la descente est moins éprouvante nerveusement, elle finit quand meme par nous entamer physiquement. Aussi, quand nous arrivons à la voiture 14h20 après avoir fermer la porte du refuge, nous quittons nos grosses sans trop de regrets...

Quelques mots a posteriori:

La relecture de ce récit 4 ans après me replonge dans cet été 99 que nous passions essentiellement à grimper. Quel luxe de parler de lassitude alors que nous avions alors tant de temps à consacrer à la montagne: Lily en Ecosse , Max et Lansb encore plus ou moins célibataire... Pourtant cette lassitude exista bien. et Max la ressentira à son tour quelques jours plus tard peu avant que nous ne partions bivouaquer au pied de la face Sud de la Meije...

Matthieu Bordin