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Voie normale du Mont AiguilleDescente en ski-surf-snowblades du couloir des Tubulaires 26 février 2000 Cordées Matthieu Bordin (surf) / Maxime Bertrand (skis) Romain de Lambert (snowblades) / Gabriel Falco (photographies)RécitSamedi 26 février 2000. Temps splendide annoncé. A l'ordre du jour: une magnifique journée d'hiver passée en montagne avec des amis chers. Au menu: ascension hivernale du Mont Aiguille par la voie normale, une plaisante course mixte donc, suivie par un morceau très alléchant: la descente en ski du très exposé couloir des Tubulaires. Ce couloir, dont Pierre Tardivel a réalisé une descente médiatisée à l'occasion du 500ème anniversaire de la première ascension du sommet, doit être le bouquet de notre sortie. En effet, les répétitions sont plutôt rares, et nous avons chacun notre façon propre pour aborder cette difficulté: Maxime a opté pour ses fidèles skis, Matthieu s'est paré de son surf, et quant à moi, j'ai embarqué mes "blades" sur le sac. Chacun son style pour affronter les quelques 120 mètres de pente assez raide jusqu'au premier rappel. Voilà que je me surprends à parler de mes camarades sans les avoir présentés ! Commençons donc par cette élémentaire politesse. Honneur au plus jeune d'entre nous, Matthieu Bordin. Ce robuste Savoyard au physique impressionnant et au sourire d'ange est un grimpeur expérimenté. Il choisit d'ailleurs de se lancer dans l'ascension en TR12, des chaussures de ski de randonnée, ce qui prouve son aisance...et son désir d'alléger son sac. Afin de ne pas perturber l'équilibre savant qu'ils ont mis trois ans à établir, nous laissons Maxime s'encorder avec Matthieu. Max, dit "La Menace", est un personnage un peu déroutant au premier abord. Son éternel humour du second (voire troisième) degré peuvent passer pour un soupçon de suffisance, mais il n'en est rien: il s'agit d'un garçon au grand coeur, très attachant dès qu'il se montre tel qu'il est réellement. Physiquement, son sourire reste son arme préférée auprès de la gent féminine, et ses énormes biceps semblent ne pas lui appartenir tant ils contrastent avec le reste de sa musculature. En bref, un garçon solide, aussi efficace que son acolyte, et qui projette lui de descendre à skis. Enfin, Gabriel. Personnage énigmatique que ce Gabe. Expérimenté, posé, calme, beau gosse, c'est un charmeur. Normal, me direz vous, du haut de ses 24 ans, c'est l'aîné du groupe, il a du vécu. Mais Gabriel est bien plus que cela. C'est un ami, et un passionné: tout ce qu'il fait, il le fait bien (sauf quand il s'occupe des synchros de sa voiture bien entendu...). Grand amateur de photographie et doté d'un certain sens de l'esthétisme, il est responsable du reportage photo de la course. Son inséparable Leica sera donc de la partie pour immortaliser les grands moments. Le rendez vous est fixé à 5h30 à Vif. C'est à peine croyable, mais nous sommes tous à l'heure, Max y compris, même s'il a pris le temps de corriger l'aérodynamique de sa vieillissante Polo sur une glissière de sécurité. Direction St Michel les Portes, puis la petite route verglacée qui rejoint Gresse en Vercors. Quelques menues hésitations plus tard, nos véhicules sont immobilisés dans un des lacets de bitume, et nous commençons à nous équiper sans plus tarder. Si le tandem Matt-Max se montre assez efficace, je dois bien avouer qu'il n'en va pas de même pour nous: répartition de matériel, ajustement des raquettes...nous aurions pu nous arranger à Grenoble. Passons ! La frontale n'est plus nécessaire quand nous sommes fin prêts, et nous nous élançons sans plus tarder sur le chemin de randonnée enneigé sillonnant les vallons boisés qui mènent au pied de la face Ouest du Mont Aiguille. La silhouette de cet imposant amas de pierre commence à se découper distinctement dans le ciel du Vercors au fur et à mesure que le jour reprend ses droits. Bientôt, l'énorme navire rocheux apparaît clairement au dessus de nous. La marche d'approche se déroule dans une ambiance bon enfant. Pendant que Matthieu fait la trace en bon Sherpa, les discussions vont bon train, ainsi que les arrêts de Monsieur Maxime. Qu'a-t-il donc mangé hier soir ? Au fur et à mesure que nous progressons, nous découvrons plus en détail l'objet du désir. Le Mont Aiguille est manifestement un très gros caillou, d'une grande prestance. L'éprouvante marche prend fin sur le fil d'une arête jonchée de quelques pins épars. Il est alors grand temps d'abandonner ces fichues raquettes pour se parer d'un matériel un peu plus alpin: baudriers, coques plastiques, coinceurs, pitons, friends, dégaines, mousquetons, piolets, sangles, casques...en somme tout l'attirail de l'alpiniste. Nous essayons d'organiser nos sacs de manière à ce qu'ils ne soient pas trop désagréables à porter, mais à part Gabriel, qui redescend à pieds, nous sommes bien encombrés. La Menace trimballe ses skis sur son dos, Matthieu est flanqué de son surf, et quant à moi, je suis affublé d'une paire de Blades K2 et des indispensables chaussures rigides dont je regretterai vraiment la présence si le couloir n'est pas de mon niveau ou est impraticable. Nous formons quelques anneaux de corde et nous partons pour une soixantaine de mètres corde tendue, sur une pente mixte un peu exposée, afin d'atteindre le départ de la voie. Max ne juge pas nécessaire de chausser les crampons et s'élance rapidement dans les premiers mètres d'escalade. Matthieu l'assure, pendant que Gabe et moi-même nous préparons. Dans la série " boulette du jour ", on pensait Matthieu intouchable : il avait oublié son piolet à la voiture. Belle performance me direz-vous. Mais lui attribuer le titre dès le début de la journée aurait été bien prématuré, comme vous allez le voir. Gabriel ne va pas tarder à montrer qu'il est lui aussi un sérieux client : en s'activant au relais, bidouillant je ne sais quelle sangle de son sac, il décroche un gant qui se met à rouler sur sa gauche. -" Merde, mon gant ! " s'écrie-t-il lorsqu'il se rend compte de sa bévue. Malheureusement, nous sommes tous vachés à l'anneau monstrueux caractéristique des relais de cette voie, et nous ne pouvons qu'assister, impuissants, à la dégringolade du précieux objet, qui ne se fait pas prier pour rejoindre la vire du dessous, puis la suivante, avant de disparaître de notre vue. Les compliments fusent. Quelques instants plus tard, je mouline Gabe vers le bas de la vallée en espérant que le gant aura été arrêté dans sa course folle par quelque aspérité. Au bout d'une trentaine de mètres, notre ami annonce qu'il a repéré le déserteur, et que celui-ci est bien trop bas pour qu'il puisse espérer le rattraper de la sorte. Le fautif pendule donc vers la droite, jusqu'à un endroit plus confortable où il se décorde pour courir récupérer son bien. Cette petite anecdote ne nous coûta pas plus d'un quart d'heure, mais elle aurait pu avoir des conséquences bien plus fâcheuses si elle s'était déroulée plus haut dans la voie. Nous voici enfin partis. Matthieu attaque la seconde longueur, Max et Gabe sont à R1, et je peux enfin poser mes mains sur le début de la partie escalade. La première longueur, courte mais suffisamment technique pour se mettre en jambes, ne parviendra malheureusement pas à nous convaincre qu'il faut chausser les crampons. Lorsque je dois relayer Gabe en tête, il me conseille de ne pas suivre nos camarades, prétextant que le couloir à 5m sur leur gauche semble plus logique. Je me munis de coinceurs, friends et sangles à profusion et je démarre dans la foulée. Une courte traversée sur ma gauche en neige pourrie amène au départ du dit couloir. Au bout de 10 mètres, un scellement : nous sommes sur la bonne voie ! Je continue donc, sûr de moi, prends même le temps de placer un friend dans une bonne fissure pas trop enneigée, et m'engage vers le haut. Et là, surprise : non seulement je ne croise plus le moindre point, mais je débouche sur une petite vire neigeuse très inclinée et exposée, sans matériel approprié : les crabes sont dans le sac, le piolet accroché à celui-ci. Le dernier point d'assurage remonte à près de 8 mètres, il s'agit de mon friend. Pas de doute, il faut que je sorte la pioche si je veux assurer le coup. Quelques minutes plus tard, c'est chose faite, et je me lance plus sereinement dans la petite traversée à droite rejoignant…l'itinéraire choisi par l'autre cordée ! Arrivé au relais une quinzaine de mètres plus tard, Matthieu m'avoue qu'ils ont clippé au moins quatre broches dans leur itinéraire : nous avions donc finalement fait le mauvais choix ! Lorsque Gabriel me rejoint, nos amis ont déjà bien entamé la longue section de câbles menant à une petite plate forme confortable et encaissée où se trouve le troisième relais. Le temps de récupérer les dégaines sur mon baudrier et de prendre l'autre cordée en photo, et mon camarade se lance vers la courte mais délicate descente qui mène au début des câbles. Nous y progresserons corde tendue pour gagner du temps. La plate forme est très accueillante. On peut y déposer nos sacs pour décharger nos épaules endolories par les kilos que nous espérons ne pas être superflus. A transporter tout ce matériel depuis des heures, nous prions tous pour que le couloir des Tubulaires nous offre des conditions décentes. Derrière un petit mur rocheux protégeant notre abri, un couloir neigeux à 45° s'encastre dans les rochers, et remonte vers une vire qui part à droite. C'est là que continue l'ascension. Matthieu repart illico et disparaît rapidement dans le couloir. La corde défile vite, il randonne dans la neige molle. Un peu plus tard, on l'entend maugréer : il ne trouve pas d'anneau métallique comme partout ailleurs. De toutes façons, il est à bout de corde, et il installe son relais sur un becquet rocheux. La Menace décolle, et je le suis de près, assuré par Gabe, pour perdre le moins de temps possible. Cette longueur est une longueur de remontée de couloir enneigé, mais elle comporte tout de même une petite section intéressante avant le rétablissement au pied de la vire où se trouve le relais improvisé. C'est là que je m'installe pour assurer Gabriel, alors que Max est déjà engagé dans la longueur suivante. Elle débute par une traversée amusante, pas trop difficile mais assez exposée, avant de disparaître sur la droite. L'attente à ce relais me semble interminable. Gabriel me rejoint, récupère le matériel relatif au grimpeur de tête, et entame à son tour la traversée à droite. Bien plus tard, suivant le conseil de Matthieu et installant le relais au début d'une courte section câblée, Gabe me hurle qu'il est prêt à m'assurer. La petite traversée que je regardais jalousement depuis une bonne demi heure est maintenant avalée. Je débouche au pied d'un petit mur plus délicat à négocier qu'il n'y paraît. Des bouts de roche entièrement verglacés émergent de la neige peu consistante qui recouvre tout le reste. Quelques mouvements effectués avec la plus grande attention, et me voici avec mon assureur. Il nous faut gagner du temps : les deux compères devant n'amusent pas le terrain, et nous sommes déjà bien en retard sur l'horaire prévisionnel très optimiste que nous avions établi à Grenoble. Je récupère quelques paires, mon piolet traction, des coinceurs, et c'est reparti. Cette longueur retraverse vers la gauche avant d'attaquer la cheminée caractéristique qui mène à la sortie sur le plateau sommital. J'établis le relais au début du câble permettant de franchir la cascade de glace. Au dessus de moi, Matt est installé au relais suivant, le dernier, et Maxime semble d'ores et déjà engagé dans l'ultime longueur. -" Tu peux monter ! " crie je à Gabe, et aussitôt, je ravale le mou. Bientôt, Matthieu décolle à son tour de son perchoir et nous ne reverrons nos compagnons qu'au sommet. Gabriel ne tarde pas, et sans perdre de temps, il s'élance dans la longueur suivante, en glace. Cette longueur est en fait assez longue, et je m'impatiente quelque peu. Mais le Gabe ne ménage pas sa peine, et bientôt, je peux partir. La partie glacée est un peu technique sans le câble, mais la suite s'enquille vite. Voici que je suis de nouveau au relais, le dernier. Je récupère un peu de matériel, et m'échappe pour la dernière fois. Le rétablissement au dessus de bulle de glace branlante est à effectuer avec précautions, puis la voie s'engouffre dans une goulotte en mixte qui semble interminable. 20 mètres et toujours pas de point. Soudain, sur la droite, une pente semi herbeuse qui me semble moins raide et qui mène au sommet. Je m'échappe de la renfougne pour attaquer ce petit mur accueillant. Quelques mètres plus haut, Max et Matthieu apparaissent soudain, et m'incitent fortement à regagner la goulotte, pour sortir tout droit. Croyant tout d'abord à une blague de leur part (ils sont coutumiers de la chose…) je suis finalement leur conseil, rebrousse chemin, et établis le relais de sortie sur un becquet. Gabriel se lance vers le haut, récupère la misérable paire qui fut le seul point de la longueur, et nous voici au sommet du Mont Aiguille. Gabe se rétabli sur le plateau, alors que Max m'assure à l'épaule pendant que, tel un cheval agricole, je remonte mon lourd sac, tout l'attirail du relais et tout l'équipement d'assurage à bout de sangle. Enfin ! Nous avons mis le temps mais nous y sommes. Matthieu et Max n'ont pas perdu une minute : ils ont préparé le court rappel (une dizaine de mètres seulement) du départ des Tubulaires, et ils sont fin prêts pour attaquer la descente. Nous n'avons malheureusement plus le temps de flâner. Matthieu et moi même savons pertinemment que les trains que nous devons prendre en début de soirée à Grenoble sont ratés presque à coup sûr, et il faut maintenant redescendre avant la nuit. Nous buvons, et je commence à me demander si je vais descendre en Blades ou à pied. La Menace et Matthieu pensent que la partie raide du couloir n'est pas jouable en Blades, et m'incitent à renoncer. Vu du dessus, et même si j'ai moins d'expérience qu'eux, je ne suis pas de leur avis ; cela me paraît possible : je chausse malgré tout mes chaussures de ski, et prend soin de bien placer mes coques au fond du sac, compactes, pour ne pas être trop gêné. De toutes manières, si je ne le sens pas, je descendrai en ramasse. Nous procédons rapidement au petit rappel, qui mène à une petite vire horizontale précédant le début du couloir que nous devons skier. Gabriel s'élance sans plus tarder dedans : il doit se positionner pour prendre les photos. Nous sommes obligés de l'attendre, pour qu'il se mette à l'abri et pour qu'il prépare son appareil. Les dix bonnes minutes qui suivirent resteront je pense gravées dans ma mémoire. Nous chaussons avec la plus grande attention. J'essaye de me concentrer pour que cette tentative ne soit pas la dernière, mais j'avoue que ce ne fut pas chose aisée avec les deux lascars qui m'accompagnaient. Il est vrai que d'entendre deux bons amis disserter sur vos chances de survie, les estimer à 50%, vous demander lequel d'entre eux pourra garder votre voiture en cas de chute mortelle, où s'interroger sur leur propre responsabilité dans un éventuel accident a de quoi déstabiliser. Quoi qu'il en soit, un vieux " C'est bon ! " lancé par Gabriel met fin à la période d'attente et de doute : place à l'action. Matthieu se calme d'entrée et prononce quelques mots touchants, pas tout à fait dits sur le ton de la plaisanterie : -" Bon, Aurélie, j'avais le choix… ". Aurélie, pour ceux qui ne l'auraient pas compris, est l'amie de Matthieu, comme quoi notre rude montagnard sait aussi se faire câlin… Le voilà parti, tout en dérapage, dans le couloir. Comme nous pouvions nous en douter, la neige est pourrie, et le blondinet fait très attention à chacun de ses mouvements. Bientôt, il disparaît dans le " crux " de la voie, un petit raidillon proche des 50°. Quelques minutes plus tard, il nous crie qu'il est en bas. La Menace s'engage à son tour dans le couloir. Il ne se livre à aucune confidence analogue à celle de son camarade, non pas qu'il n'aime pas cela, mais tout simplement parce qu'en ce moment…il n'a pas de compagne à qui dédier quelques mots! Peu importe, le voilà en pleine action, dans son style puissant, et il s'en sort très bien, rejoignant bientôt les deux autres à l'abri d'une chute de 150m au dessus d'une barre rocheuse. C'est maintenant à mon tour. Je souffle bien, me dis que j'avais moi aussi le choix, mais je ne reproduirai pas ici mes paroles d'alors : personne n'était là pour les écouter, et c'est tant mieux. La jeune femme concernée saura que c'est à elle qu'elles s'adressaient… C'est parti ! La neige est en effet d'une qualité misérable, et il s'agit de ne pas s'en coller une, comme on dit vulgairement. Je descends très prudemment, et parviens à rejoindre une section moins dure, où je peux entamer une série de virages, comme l'on fait mes compagnons, afin que le Gabe puisse immortaliser le passage. La pente s'adoucit avant d'arriver à la barre rocheuse meurtrière qu'il nous faut à tout prix éviter, et là, pendant quelques courts instants, c'est vraiment du ski plaisir. Voilà, les 120m de couloir que nous devions avaler sont derrière nous, et avant d'attaquer la série de rappels qui doit nous amener sur les pentes Nord Ouest du Mont Aiguille, nous savourons le moment présent. Le topo indique qu'il nous faut tirer à droite pour rejoindre une vire d'où partira le premier rappel. Nous nous exécutons, et Matthieu trouve un vieux point rouillé. C'est donc par là. Nous sommes très inconfortablement installés. Mes chaussures de ski rigides sont complètement inadaptées à un usage alpin, et je manque de glisser à chaque mouvement. Matthieu installe le rappel sur cet unique point foireux, nous n'avons pas le choix. D'après le topo, nous devons gagner une " excellente vire ", poser un rappel vertical de 40m sur un pin. Cela tombe bien : les vires sont légion ici, et ne parlons pas des sapins, petits, moyens, il y en a toujours un ou deux qui traînent sur chaque petit espace pas trop raide. Cela s'annonce donc bien ! Matthieu va faire un tour, et il s'engage dans le rappel, sans vraiment savoir où cela le mènera. Quelques minutes plus tard, il hure : -" C'est bon les gars, il y a un relais là ! ". C'est l'allégresse. Je suis le suivant sur la liste. Je coulisse rapidement jusqu'à mon camarade, et je le rejoins…sur un misérable emplacement plus exigu que les toilettes de l'appartement de Gabriel ! Son relais, c'est une lunulle inspirant moyennement confiance, et un vieux piton renforcé. Mouais, de sapin, point, d'excellente vire, n'en parlons même pas. Nous sommes probablement sur un itinéraire de réchappe, installé par d'autres grimpeurs s'étant eux-mêmes fourvoyés. Lorsque Max et Gabe nous rejoignent, inutile de dire que nous sommes plus que mal installés. Nous ne disposons par ailleurs que de peu de temps avant la tombée de la nuit, et nous ne sommes même pas sûrs que le chemin que nous empruntons nous mènera en bas ! Nous n'osons penser aux conséquences qu'aurait un coincement de corde lors d'un rappel : le bivouac obligatoire. Dans notre position actuelle, cela signifierait une nuit des plus inconfortables ! Fort heureusement, la corde vient facilement, et nous poursuivons notre route. Matthieu continue sa descente, et se pose sur une large vire plus bas. Pas de spits en vue, mais il y a de la place : nous le suivons. En s'approchant du bord de la vire, Matthieu s'aperçoit qu'il y en a une autre plus bas, disposant, elle, d'un petit sapin tout fluet. Nous relançons la descente sans rappeler la corde, et bientôt, nous voici tous vâchés au petit sapin qui doit se demander ce que lui veulent ces énergumènes. Nous rappelons la corde en priant pour qu'elle veuille bien venir sans encombres, et le Dieu Béal nous entend : tout se passe bien. Nous positionnons le rappel bien au pied du petit sapin, en lui demandant secrètement de bien vouloir tenir le temps de notre passage. Nous avons maintenant la certitude de nous être trompés : en opérant son rappel quelques mètres plus haut, Gabriel a repéré, une vingtaine de mètres sur notre droite, l'emplacement véritable des rappels préconisés dans le topo. Nous avons donc quitté le couloir neigeux quelques mètres trop tôt, mais vu l'équipement que l'on trouve ici, nous ne sommes certainement pas les seuls a avoir vécu pareille mésaventure ! Matthieu est donc le premier d'entre nous à confier son existence à ce sympathique petit arbre qui doit peser le quart de son poids…Quelques minutes plus tard, un grand crac se fait entendre. L'ami Matthieu a du racler son surf sur un quelconque caillou. Peu après, enfin, la délivrance : -" Je suis sorti, on ne bivouaquera pas ce soir ! " nous lance-t-il. Inutile de préciser que cette déclaration nous met du baume au cœur ! J'entame à mon tour le rappel qui doit être le dernier. La paroi, raide, fini par rejoindre le pilier gris d'en face pour former une renfougne tout à fait inconfortable. Alors que j'essaye tant bien que mal de ne pas trop y pénétrer, CRAC ! Mes Blades viennent de se coincer dedans ! Tiens, me dis-je, voilà qui explique le désagréable bruit de surf broyé que nous avons entendu tout à l'heure. Quelques contorsions et injures plus tard, je suis libéré et je me pose en bas du rappel. Un petit couloir de neige mène à une plate forme aérée où se trouve Matthieu, sourire aux lèvres, qui me montre du doigt la fin de la descente, à quelques mètres de là. Un rappel de dix mètres sera nécessaire, mais cette fois c'est sûr, nous sommes sortis ! Le bivouac, qui nous menaçait depuis notre erreur d'itinéraire initiale, n'est plus à craindre. L'heure de se serrer la main est venue, et c' est avec appétit que nous dévorons quelques petits gâteaux en attendant les deux autres, encore sous le joug du petit sapin à qui nous devons une fière chandelle. Il est près de 18h30 quand nous rejoignons nos affaires abandonnées ce matin au pied de la paroi. Il va bientôt faire nuit. Nous récupérons notre matériel à la hâte, chassons les skis, et dévalons les 700m de dénivelée qui nous séparent de nos voitures. Gabriel, quant à lui, joue au Kenyan et court pour ne pas faire le sanglier dans la forêt à la nuit tombée… L'épilogue de cette aventure a lieu au Bistrot Romain de Grenoble, où nous avons choisi de dîner pour fêter notre réalisation. Un repas sympathique où l'infatigable Menace tentera une nouvelle fois d'user de ses charmes sur la serveuse qui nous fut attribuée… Pour moi cependant, la véritable conclusion aura lieu le lendemain, en début d'après-midi, sur les Champs Elysées, à Paris. Temps splendide, température quasi estivale, des milliers de gens déambulent, dans le plus pur style m'as-tu-vu, Ray Ban sur la tête, cheveux gomminés, chemisette et pantalon Cerrutti, portable minuscule collé à l'oreille…ils " prennent l'air " en ce beau dimanche de février. Tout ceci est bien entendu respectable, néanmoins, le contraste avec les paysages dépourvus de toute trace de civilisation qui ont baigné notre journée dans le Trièves est saisissant !
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