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Mai99


Le Mayer, ca ne sera pas pour cette fois

Mai 99,12h30, un dernier petit coup de fil à la météo histoire d'être sûr...Averse en soirée mais retour du beau dans le milieu de la nuit : c'est bon je peux partir. Je charge mon lourd sac dans la Polo, direction La Bérarde.

La trajet se passe sans encombre non sans penser à ce qui m'attend. En effet, la montagne en solo est quelque chose de particulier, une dimension supplémentaire qu'on ne trouve pas en cordée, un petit stress supplémentaire qui fait que parfois, on a ce besoin de partir seul. Cependant, cela demande une motivation supplémentaire que l'on a pas tous les jours. Aujourd'hui, elle est bien là et ce n'est pas un sac de 15 kilos qui va l'entamer. Mon objectif a pourtant de quoi faire peur : montée à pied au fond du cirque de Bonne Pierre pour y passer la nuit (ce qui implique tente et duvet) et ascension le lendemain du dôme de neige des Ecrins par le couloir de Barre Noire. Cependant, l'objectif inavoué est bien le couloir Mayer Dibona, beaucoup plus près, beaucoup plus beau et beaucoup plus raide. De toute façon, ce sont les conditions qui dicteront ma conduite...

Arrivée vers 14h à la Bérarde. Le ciel est couvert mais il ne pleut pas. Il n'empêche que l'atmosphère est des plus glauques et le rugissement du torrent tout proche n'arrange rien. Je m'équipe en vitesse comme a l'accoutumé, ferme la voiture et enfile mon sac. Je suis prêt à partir. A peine ai je fait un pas que je croise d'autres randonneurs, ski sur le dos bien évidemment, la neige se trouvant 200 mètres plus haut en cette saison.

" -bonjour

-bonjour

-vous venez d'où ?

- La Pilate, mais on a rien pu faire, il y a eu de l'orage. Et vous ?

- Je monte bivouaquer sous le col des Ecrins

- Tout seul ?

- Tout seul. "

Les deux skieurs se regardent, incrédules, " Encore un fou se disent t-ils. ".

Encore plus motivé par cette rencontre et fier de passer pour un illuminé, j'attaque au pas de course le petit sentier qui monte le long du torrent des Etançons.

Quinze minutes seront nécessaire au dieu Vulcain pour déchaîner les éléments contre moi. En effet, après ce laps de temps très court, une pluie torrentielle s'abat sur ma tête dénudée. Heureusement, le dieu Gore-Tex veille et je peux marcher sans être trop mouillé. C'est même l'occasion de tester la capuche de ma veste que je n'ai pas encore pu essayer.

Quelques lacets plus loin, me voilà sur la neige, ski au pied. Elle est pourrie, ravagée par des avalanches de neige lourde mélangée à des cailloux. Tant pis pour les peaux, aujourd'hui je n'est pas le temps de faire attention.

Cela fait une heure et demi que je monte, je commence à en avoir marre. Le taux d'humidité doit être aux alentours de 90%, ce qui rajoute au malaise. Ma motivation commence déjà à en prendre pour son matricule. Je marche quelques minutes encore sur le replat de Bonne Pierre enfin, atteint puis décide de planter la tente. J'aurai une heure de plus à marcher demain mais au moins il fera beau. Le montage de ma petite maison de toile est un enfer mais je finis par pouvoir m'installer, à califourchon sur mon sac. Premier constat : mon sac de couchage est trempé, aie, aie, aie, encore une nuit difficile en perspective. Je suis moi-même mouillé des pieds à la tête et transit de froid. Je me prépare en hâte une boisson chaude tout en retirant mes habits mouillés puis emmitouflé dans mon duvet, je déguste mon délicieux repas que je trouverais infecte dans n'importe quelles autres conditions, mais qui dans le moment présent me semble valoir n'importe quelle trois étoiles.

Les gouttes de pluies continues à dégringoler sur ma toile de tente tels des balles de golf smashé sur une table de ping-pong. J' ai toujours aussi froid et je m'ennuie. Que faire ? Je jette un rapide coup d'oeil dehors pour découvrir un paysage de désolation. Quoi de plus triste que la pluie sur un paysage neigeux. La neige prend alors une couleur terne caractéristique des jours où rien ne va. Une inspection plus approfondie du paysage me permet de voir que la face NO du flambeau est complètement ravagé par les boules et autres coulées de lourde. Certaines parties de la face sont complètement déneigé : les conditions seraient-elles aussi contre moi ?

Je rentre ma tête et essaie de trouver le repos, pas facile à obtenir quand on grelotte de toutes les parties de son corps. Je commence à m'assoupir quand soudain un terrible vacarme vient à me réveiller. Je me sais en sécurité, en plein milieu du cirque, pourtant je ne peux me résoudre à rester au chaud, je suis obligé de jeter un oeil hagard dehors pour apercevoir une jolies coulée de lourde dévalant les pentes du flambeau dans un fracas épouvantable. " Quelle vacarme pour si peu de neige " me dis-je en refermant la toile de tente.

Les heures passent lentement. Je commence a regretter le confort de mon studio grenoblois. Je commence même à me demander si je ne vais pas rentrer : 1 heure de ski et je suis a la voiture. Mais non, je résiste.

En début de soirée, la pluie cesse et je jette à nouveau un oeil dehors. Et la surprise, une fine écharpe nuageuse ceinture le haut de la face du dôme des Ecrins, laissant apparaître le fameux couloir, magnifique, impressionnant de raideur et de beauté. Le crépuscule approchant rend les couleurs féeriques et les parois des montagnes toutes proches plus austères. Alors que j'ai froid et que le vent me cingle le visage, je ne peux m'empêcher de regarder ce magnifique paysage. Je m'écrie dans mon fort intérieur que toute les 'souffrances' endurée pour venir là ne sont rien à coté de ce qu il m'est permis d'admirer. J'en vient même à me dire que ce que je ferais demain n'a pas d'importance tant ce moment de plaisir est intense.

Je me recouche et après mainte et mainte phases de pseudo sommeil bien connues des alpinistes fréquentant les refuges et autres abri bivouac, arrive le moment tant attendu : l'heure de partir. Je me prépare une petite boisson chaude, histoire de me réchauffer et avale à la hâte quelques biscuits achetés la veille au supermarché du coin. C'est alors que je commence à entendre un léger bruit sur ma toile de tente, comme si quelqu'un me jetais du sable. Étonné, je me prépare à sortir, non sans me demander ce que cela peut-être : de la pluie, certainement pas, la météo est formelle, grand beau. Et pourtant. Le regard amusé, l'oeil vif et hagard, je ne peux que constater l'ampleur du désastre : il neige. Les dieux sont contre moi me dis-je mais tant pis, je pars quand même et advienne que pourra.

Une fois les skis chaussés, je commence ma pénible monté vers le pied du couloir, bien plus loin qu'il n'y paraissait la veille. Ma progression est lente et saccadé, handicapé par l'absence de sommeil de ma nuit.

Enfin arrive le pied du couloir tant attendu, couloir Mayer-Dibona bien entendu, vu ma condition physique du jour et mon évidente incapacité à monter très haut. Je m'arrête, inspecte lentement le couloir qui se perd dans les nuages. Pas très accueillant me dis-je, d'autant plus qu'une certaine quantité de neige semble avoir tapissée les parois du couloir. La goulotte inférieur semble être dans un état plus que moyen. Que faire, j'hésite, au moins monter un peu. C'est alors qu'une coulée dévale la pente du col des Ecrins, puis une deuxième quelques minutes plus tard. Ma décision est prise, je rentre : rapide descente jusqu'au bivouac, pliage rapide de la tente non sans écorcher le double toit sur le piolet, décidément c'est une grande journée. Descente jusqu'à la voiture non sans croiser d'autres illuminés qui monte dans cette crasse uniforme et sans vie.

Une heure plus tard, je suis chez moi, ruminant ma défaite contre les éléments. Il est 10 heures, je me recouche et m'endort, le Mayer, ce ne sera pas pour cette fois.

Maxime Bertrand