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UNIVERSAL MIXTURES PRESENTE

Exposición tensión emoción


Un projet BLMS/Nimp Crew

Starring

Borsd dans le rôle de Speedy " El Tequito " Gonzales
Lansb dans le rôle de " El Gringo Blazador "
Nat dans le rôle de David Starsky
François dans le rôle de Ken Hutchinson
Sharon Stone, Liv Taylor, Uma Thurman dans les rôle des " Blazadettes "


Sortie le 17 mars 2004



Les titres auxquels vous avez échappé

El Tequito y El Gringo Blazador y los compañeros de la Crew
Grand Pic d'Adrénaline
BLMS en démonstration, la Crew en action
Les kékés font du ski
Terreur de mars, ça passe
BLMS, qui l'eût " crew " ?
L'écharpe sharp

Début mars 2004, le BLMS est quasi au point mort. Max toujours à Paris, Vonk encore plâtré ayant envie de tronçonner sa jambe folle et le chirurgico-terroriste par la même occasion, Matt le cul scotché sur une selle de tandem tout terrain pour viser la gagne à Cassis, seul le L tente de faire vivoter notre vénérable institution avec quelques modestes sorties solitaires du matin avant le boulot. Le mythique et fier quatuor, au palmarès respectable et à la jeunesse débordante d'insouciance et de bonheur, les ex-étudiants ne doutant de rien, ayant foi en eux et fuck l'haleine sont peut-être finalement rentrés dans le rang. Bien sûr, Vincent est out et même si on ne peut pas se mettre à sa place, sa situation stagnante nous préoccupe et nous angoisse tous. Bien sûr, la disparition du Fab qui personnellement me faisait penser que j'avais de la marge avant d'atteindre la limite, nous a profondément affectés. Mais peut-être tout simplement avons nous pris de la bouteille, peut-être comprenons nous mieux les " vieux croûtons aigris " qui nous traitaient de suicidaires ou les quelques autres qui admiraient notre soit disant courage alors que j'avais l'impression que tout cela était si facile… Bref, en s'éloignant des vingt ans et en s'approchant de trente, le temps et la vie faisant leur office, notre approche du ski de pente raide et de l'alpinisme en général était peut-être en train de changer.

De l'autre côté de la barrière, quatre (tiens tiens) jeunes aux dents longues commencent à faire parler d'eux depuis quelques saisons. Répétant le Mayer entre autres, ils ont montré qu'ils savaient surfer même les pentes les plus raides, et leurs petites piques assorties de remarques respectueuses envers le BLMS nous ont rapprochés. Ils enchaînent Pic du Frène et Grand Crozet, on en rajoute une couche en terminant la trilogie à la journée avec le Grand Charnier d'Allevard. Une petite compétition bon esprit s'engage donc entre les " anciens " et les " djeuns " qui poussent ! De ces garçons tout juste échappés de la puberté, nous n'en connaissons vraiment que deux. Les dénommés Robin et Jérôme ont peut-être été croisés au détour d'une soirée entre skieurs, mais nous n'avons pas encore partagé les joies d'une sortie commune. En revanche, Nathanael et François ne sont plus des inconnus.

Le premier nommé est " une tronche " comme on en a l'habitude. A croire qu'après Gabe Falco et le Torineski, le BLMS attire les Normaliens. Peut-être sont-ils seuls à même de comprendre notre génie, ou pire, d'apprécier nos plaisanteries ? Toujours est-il que ce gai thésard ne manque pas d'allure. Le cheveu brun et épais, le sourire du bonheur, ses hautes études ne lui ont cependant pas permis de comprendre l'utilité des fermetures éclair sur le côté de son pantalon gore tex : c'est pourquoi celles-ci sont toujours béantes, offrant une vue imprenable sur ses jambes où pointent déjà quelques poils épars. A l'affût de la femelle, jusque dans les couloirs les plus ardus ! Reste un mystère : celui de son nom de famille. Deux catégories d'historiens s'opposent souvent, arguant d'une part que Nat Schnopfler serait un vague cousin éloigné de l'ex-leader des Dire Straits, pendant que d'autres affirment qu'un tel enchaînement de consonnes (Schnqmlkdfdqker) ne peut venir que des pays de l'Est. Quoi qu'il en soit, nous conclurons en appelant ce dénommé Chou-fleur par son prénom: Nat.

Le second, François " Jouy " est un pur " rider ". Son seul vocable vous fait rapidement comprendre que ça fait bientôt dix ans que vous avez quitté le lycée. Ca me rappelle l'époque où mes parents ne comprenaient pas quand je m'écriais " C'est trop cool ! ". Là, on entre dans une nouvelle ère : les " boards ", les " boots ", les " grabs ", les " kicks ", les " rides " ne sont que la partie émergeante de l'iceberg littéraire new age que maîtrise à merveille ce kid des cimes. Il pousse également l'admiration pour le BLMS au point de s'installer à Seyssins, proche du lieu de résidence du S. Blondinet plutôt beau gosse mais aux mensurations plus modestes que notre décoloré à nous, il se passionne également pour le montage vidéo et au vu des quelques exemples de son travail, on ne peut que constater le talent du personnage en la matière. En surf, rien à dire, la technique est parfaite, le style fluide, c'est beau à voir. Enfin, son auto mérite une mention : une rutilante Opel Corsa pratiquement aussi vieille que lui à qui il faut parler pour qu'elle démarre et dont le plancher remue violemment sous vos pieds quand choupette roule sur de la neige dure ou des cailloux ! En résumé moins orientés grimpe que leur aînés, nos amis sont en revanche surmotivés pour " démonter " les pentes raides des environs. Vexants, ils m'ont subtilisé mon titre de " Boussole du 38" par un bivouac improvisé dans le Dévoluy il y a peu. Pour résumer, ils me rappellent nos propres débuts au grand complet en 2000. Un vent de fraîcheur souffle donc sur notre petit groupe, va falloir être au niveau !

Mardi 9 mars donc, j'attaque la montée vers l'Alpe du Grand Serre fort tôt en matinée, objectif 6h15 au Désert, point de départ vers la face Nord et ses multiples couloirs pour torcher un 4.2 avant le boulot. La route blanchit au fur et à mesure que la Puntal s'élève, et j'arrive avec quelques minutes de retard. Nat me rejoint quelques instants après au volant de la 306 de son colloc. Poignée de mains, et nous nous préparons hâtivement en compagnie d'un magnifique terreneuve blanc, énorme chien qui n'est pas sans rappeler celui du Désert... en Valjouffrey. Les premiers mètres pour accéder au chemin et c'est une 106 grise qui s'immobilise sur le parking : le B a finalement fait le déplacement et nous lance un " je vous rejoins " que nous n'avons aucun mal à croire. Bien vite nous évoluons en trio dans la purée de pois, et nous ne devons qu'au sens de l'itinéraire remarquable du B de remonter le bon couloir, toujours flanqué du canidé qui n'en démord pas et ancre ses griffes dans la neige dure. Dans la partie supérieure du couloir, nous nous rendons vraiment compte que les conditions sont abjectes : nous nous trouvons sur une plaque de 30cm reposant sur de la neige sans consistance. De quoi tous nous retrouver en bas sous des mètres cubes de neige... A une cinquantaine de mètres de la sortie (probablement barrée par une immonde corniche), nous faisons demi-tour, désescaladant à pied et en serrant les fesses cette horrible plaque, puis chaussant et taillant la pente jusqu'en bas. C'est un but, le premier de la semaine !

- Jeudi 11 mars, acte 2 du petit stage pente raide improvisé. Nat et moi sommes motivés par la face Sud de la Grande Moucherolle, un 5.2 exposé du Vercors. Le BMS ayant déjà coché cette course, notre effectif s'arrêtera là. Ce jour semble être la seule fenêtre météo valable jusqu'à la semaine prochaine puisque le week-end est annoncé moisi. Réveillés à 6h15 et scrutant le ciel, la météo est superbe : on fonce ! Je passe prendre Nat chez lui et nous roulons en vitesse vers Puy Trangoulia, célèbre mégalopole des préalpes. Au départ de l'auto, le ciel est dégagé : comme ça doit s'améliorer en cours de journée, c'est avec joie et enthousiasme que les deux boussoles s'enfoncent dans la forêt pour gagner le pied des difficultés. Malheureusement, dès que les branches se clairsement et que nous abordons les pentes d'accès sous les rochers, nous sommes au coeuur d'un brouillard très dense. Vers 1850m, sous les barres, nous constatons notre échec : la Grande Moucherolle, ce ne sera pas pour cette fois ! Nous tournons une ou deux séquences de ski et simulons une recherche Arva pour ne pas perdre la matinée et c'est le retour à la case départ, dépités. Pour moi, la semaine de ski est terminée, sur deux échecs. Nat et François n'en restent pas là et s'offrent un troisième but dès le lendemain sur les pentes de l'Arcalod, culmen des Bauges. Un superbe sommet où il faudra retourner...

Le week-end tient toutes ses promesses : il pleut à torrent. Comme convenu depuis quelques temps déjà, Elsa et moi passons le samedi à Lyon à nous balader, bras dessus bras dessous sous un parapluie salvateur. Une après-midi agréable à flaner dans les rues vivantes malgré les conditions humides. Le dimanche, c'est calme, visite chez les Fiori où nous ratons la petite qui est en pleine sieste mais où la famille Audra au grand complet est en visite. Le S n'a plus qu'une journée à tenir avec ce foutu plâtre, nous attendons tous des nouvelles rassurantes de son genou pour le lendemain. En fin de journée, alors qu'Elsa est au fourneau avec ses copines pour préparer des canistrelli, j'effectue une jolie balade inopinée avec Lionel Tassan au Moucherotte, sur une neige de névé un peu ramollie. On skie jusqu'à la voiture ! El Tassanito m'invite ensuite à goûter dans son antre en compagnie de sa charmante Valérie " Paulos dos Santos Qui Veut du Chocolachos ". Une belle manière de conclure cette fin de dimanche où le soleil a finalement eu le dernier mot, et où nous avons pu partager une superbe lumière sur les pentes dominant Saint Nizier.

Lundi matin, petit tour sur Skirando : décidément, ce Chou-fleur a de la volonté : il s'en est retourné seul au Grand Serre où il a rencontré des conditions immondes : la plaque qui nous avait tant fait peur la semaine passé s'est effondrée, goulottant toute la face et rendant la skiabilité plus que limitée. Un mauvais souvenir pour l'ami Nat, qui ne compte cependant pas en rester là. Il me propose dès l'après-midi de marquer des points les deux prochains jours : retour à l'Arcalod pour le mardi matin, sympathique mise en bouche, avant de dévorer tout cru " l'ogre ", le Grand Pic de Belledonne par son imposante face Est. Même si la météo est annoncée splendide pour les prochains jours (+20° l'aprèm avec un bon regel la nuit), je suis tenté mais n'envisage pas de poser les deux demi journées. C'est pourtant ce que je ferai finalement, essayant par la même occasion de motiver le B qui décline l'invitation. " Et pendant ce temps là, au Parti Communiste… " le S est enfin libéré de son plâtre. Six semaines… Les nouvelles ne sont pas bonnes pour autant, la consolidation laisse à désirer et notre ami est abandonné dans le flou le plus complet par l'énigmatique Pr. Saragaglia… Difficile de trouver les mots pour essayer de lui remonter le moral, on sent qu'il en a vraiment ras le bol, que la coupe (colonel) est pleine… De mon côté les deux jours qui suivent vont être tendus, c'est sans doute pourquoi je dors plutôt mal dans la nuit de lundi à mardi. Levé à 330 pour manger une tartine au miel et boire un peu d'eau (plus de lait, nouveau plan anti-gerbe), c'est vers 4h que je quitte le nid. Nat et François passent me prendre chez moi dans l'auto de la grand mère de ce dernier : le voyage sera ludique ! Heureusement que nous avons pris sa voiture ! Le temps gagné sur l'autoroute avec ma Punto aurait été bien vite perdu sur la route glacée et défoncée qui part de Jarcy jusqu'au Nan Fourchu. Nous chaînons, puis remontons bien haut avec la petite mais vaillante Corsa blanche. Lors d'une des manips (déblayer la route, chaîner), je perds les clés de la maison qui étaient dans la poche de ma polaire. Grisifié mais n'insistant pas trop, j'abandonne les recherches en comptant sur un coup de bol au retour, mais c'est un peu chiant. L'approche est presque idéale : du portage jusqu'à 1300m puis un long chemin régulier et béton, parfait pour voir grandir la face. Je reconnais la pointe de Chaurionde, lieu d'un but dérisoire il y a dix ans en rando estivale. L'ensemble des faces exposées à l'Est ont toutes dégueulé, sans exception. De grosses coulées de bouboules jonchent le vallon. Bientôt l'Arcalod, roi des Bauges, se découpe sur notre gauche, son imposante face Est rosissant sous les premiers rayons du soleil : aujourd'hui, seule notre lenteur pourrait nous faire buter. En effet, vu les barres qui strient la face et ce qui en est déjà tombé, il est fortement conseillé de ne pas s'aventurer sur ces pentes après l'heure ! Un peu derrière à l'approche, je reprends mes compagnons à la faveur d'une trajectoire plus directe vers la face et de manips ski-sur-le-sac-crampons-aux-pieds plus rapides. Nous sommes au collu permettant de prendre pied dans la face, Nat s'élève déjà sur une croupe, pendant que François " Fanfan " et moi bouffons une barre et bavardons. L'ascension propose une belle ambiance, même si la quantité de neige posée sur les dalles lisses nous inquiète parfois. Un bombement étroit et très raide (50°) à mi parcours propose un des crux de l'itinéraire, avant les 50 mètres sommitaux proches eux aussi du 50°, et une sortie exposée sur la corniche. 8h15, nous immortalisons nos trognes sur le toit des Bauges, chaussons, et encapons la descente. Je suis le premier à tester l'adhérence de la neige déjà humide sur les dalles hyper raides sous le sommet. Le premier virage est tendu, mais il passe. De toutes façons, ce n'est pas très long. J'en ferai d'autres, désormais libéré. Nat me bluffe le premier en posant un virage sauté dans le petit couloir d'accès très raide et étroit. Impossible pour moi d'en faire autant à skis, j'avais fait quelques mètres de dérapage. François " Freeride " Jouy quant à lui ne s'embarrasse pas de considérations: en trois quatre grandes courbes, cette chère tête blonde a dévalé le mur sommital et nous attend sur le premier replat, décontraction sympathique juste avant un nouveau décrochement sur des dalles. La suite s'enchaîne sans problème, nous prenons même le temps de shooter quelques belles photos d'action et quelques vidéos que le réalisateur en chef M.Fanfan montera avec brio. Un dernier étranglement à 50 bien raclé par les surfers nécessitera de la précision dans le déclenchement de virage, et c'est la libération jusqu'en bas : grandes courbes sur de la moquette, nous glissons avec le Pecloz en toile de fond, au pied duquel nous attend notre véhicule. A 9h30 nous sommes rendus. C'est avec peu d'espoir que je parcours sur quelques dizaines de mètres la route en aval, skis toujours aux pieds, pour tenter de repérer l'endroit où j'ai bien pu égarer mes clés quelques heures plus tôt. Si je ne les trouve pas, ça va être le cirque ; dans le meilleur des cas déranger les voisins, dans le pire débarquer à la fac en collant-claquettes-marcel pour récupérer celles d'Elsa ! Mais le non-but se prolonge : dans la neige, gelé et compact, un amoncellement métallique attire mon regard : bingo, me voici sauvé ! De retour à la rue Lachmann sous la presque canicule, je savoure ce succès partagé avec nos jeunes compagnons ; la semaine démarre mieux que la précédente ! Fatigué, je me douche et déjeune pendant que mes affaires trempées de sueur sont étendues sur le balcon pour sécher au bon air. L'heure est à profiter de la victoire, mais bien vite, la tension va remonter d'un cran : demain matin, lever 2h pour tenter un itinéraire extrême pratiquement jamais en parfaites conditions : la face Est du Grand Pic de Belledonne.

La soirée suivante et le début de nuit sont horribles. Difficile de bien se reposer avant une sortie technique de cette ampleur, surtout quand on a déjà du sommeil en retard et de la fatigue physique emmagasinée suite aux efforts du jour. Le Grand Pic… tout un programme. Dans la préparation de cette sortie, le B nous a été d'une bonne aide : ayant déjà parcouru cet itinéraire l'an passé en mode " blitzkrieg " avec le caïd de Valence, il nous confirme que l'idée n'est pas saugrenue à cette époque (ils étaient eux partis fin avril), et envisage même de se joindre à nous. Sans poser la matinée, ça va de soi quand on s'appelle B ! Je me couche à 20h30, horaire exceptionnellissime. Bien évidemment, je tarde quand même à m'endormir, et me coltine les mauvais rêves habituels avant une sortie difficile : réveil qui ne sonne pas, sensation de parcourir la course en avance, d'en finir avec l'approche pour me réveiller en sursaut et me rendre compte que je suis encore dans mon lit et que le calvaire n'a pas encore commencé, peur de commettre une erreur et de la payer cash… A partir de 2h, je regarde la montre toutes les cinq minutes, incapable de me rendormir. A 220, alors qu'il me reste trois minutes de sommeil sur mon temps optimisé, je m'arrache des draps et me dirige vers la cuisine après avoir enfilé ma carline. Je tente d'avaler une tartine de confiture mais à cette heure-ci ça passe mal : elle termine dans un bout de papier alu et je la mangerai plus tard. Je passe prendre Nat à 250 locales devant chez lui, rue Casimir " Rodier " Brenier. Puis direction Seyssinet, où nous nous garons dans la résidence de François. Nous avons finalement décidé d'opter pour son auto, la mienne étant peu à l'aise en mode 4x4 sur le chemin que nous espérons emprunter jusqu'à 1400m. Première surprise, la petite Corsa crache une infecte odeur de grillé depuis le Neimann ! Serait-ce un but automobilistique ? Que nenni, ce n'est qu'une fausse alerte et nous partons finalement ! Ce changement de véhicule imprévu nous impose un arrêt essence : encore du temps de perdu, mais c'est nécessaire. Dire que j'avais fait le plein de la Punto hier soir exprès... Mais la plus grosse surprise est de découvrir, au Rivier d'Allemont, que le chemin forestier est bouché dès le départ ! Nous venons instantanément de perdre 20 minutes supplémentaires et du coup la Puntal aurait largement suffi ! Autre surprise, la petite 106 de Matthieu est là, elle dort en attendant son propriétaire qui, non content d'avoir de l'avance au départ, ne doit pas amuser le terrain. Excellente nouvelle de voir que le grand bond s'est botté le cul pour se joindre à cette mini-collective, à laquelle était également convié Lionel, mais il a finalement préféré s'orienter vers le Rocher d'Arguille.

Nous motivant mutuellement comme des abrutis, frontales vissées sur le crâne, nous décidons de partir light et de laisser raquettes et skis d'approche à l'auto, misant sur un bon regel et comptant sur une déniv de défonce inférieure à 200m. Décision débile qui nous fait rebrousser chemin pour récupérer nos précieux instruments au bout de dix minutes... Au final, quand je ferme la voiture et enclenche mes fixations au départ du Rivier, il est 4h30 passées. Le début de parcours sur le sentier forestier est pénible : cinquante mètres enneigés puis trente complètement secs et ceci renouvelé une dizaine de fois, ce sont soit des manips incessantes, soit des sections à ski sur du caillou, pas terrible. La remontée de la combe de Roche Noire qui fait suite n'est guère meilleure. Sections pentues en neige béton, déchaussages aux ruisseaux, de quoi échauffer les esprits, le mien en particulier : je maudis cette approche de merde et effectue même une ou deux mauvaises glissades après avoir surestimé le grip de mes peaux sur cette neige très dure. La suite, heureusement, est plus conforme à ce que j'espérais. Nous franchissons un premier collu vers 1850m d'où nous entrons en contact " frontale " avec le B qui possède effectivement une belle marge sur nous (400 bons mètres) puis traversons à flanc pour nous élever vers le lac de la Balmette. A partir de là, l'objectif du jour est plus qu'en vue, la face Est nous écrase de toute sa puissance : il reste pourtant 800m verticaux de roche, neige, et glace pour en venir à bout.

Ne m'étant toujours pas résigné à brûler ou rendre mes chaussons thermoformés qui portent bien leur nom (ils " thermisent " mes pieds puis " forment " des ampoules et autres zones de friction rougeâtres), je dois supporter leurs effets dévastateurs sur mes pauvres petits pieds douillets. Tout ça pour m'assurer une précision correcte dans le pentu, seul avantage que personnellement je trouve à ces merdes hors de prix comparées aux chaussons de base. La très longue traversée à flanc a raison de mon pied gauche, jusque là non encore entaillé par une belle ampoule intérieure. C'est désormais chose faite. Je couine à chaque pas, serre les dents, je ne vais pas pouvoir continuer comme ça. François est mon sauveur puisqu'il possède une petite trousse de secours bien garnie. J'attends qu'il se porte à mon niveau, sous le col qui nous permettra d'établir la jonction avec le névé Pélissier. J'extrais mon pied en feu de la coque et de la chaussette trempée pour constater les dégâts. Un peu de strap à même l'ampoule, pour limiter les effets de frottement et jouer au silex, on renfile la chaussette dégoulinante, puis la Scarpa, et il faudra bien que cela suffise. La remontée est fatiguante, même dans les traces du B qui défoncent. Je débouche au col en plein soleil, le début des hostilités est proche. Matt est hors de vue, probablement très haut dans la voie (quasiment au sommet en fait après consultation postérieure), et Nat remonte le cône de déjection une centaine de mètres au dessus de moi. Il est sur le point de dépasser la première barre rocheuse. Je m'équipe, crampons, piolet, blades dans le dos, une gorgée de flotte à la grenadine, et m'élance à l'assaut du Grand Pic. François ne tarde pas à déboucher lui aussi, et il va ranger ses raquettes pendant que je gravis les premières dizaines de mètres du névé Pélissier

Du haut de la face dégringolent moult petits glaçons lancés à pleine vitesse. Contrairement à hier et sur les conseils du Borsd, je n'ai pas pris la peine d'emmener mon casque. Je le regrette en ces instants, même si je peux rapidement m'échapper rive gauche et ainsi sortir de la ligne de mire. Cela implique de faire ma propre trace mais ne nous plaignons pas trop ! Je n'arrive pas à savoir si Matt descend déjà ou pas. Nat, un peu plus haut, ne le voit pas encore. Tout d'un coup, le doute n'est plus permis. Méconnaissable sans son sombrero, son poncho et sa flûte de pan d'où s'échappent les notes du jingle de Maison du Café, c'est pourtant bien " El Tequito " qui empile virage sauté sur virage sauté dans cette grande pente. Tout de noir vêtu, collant-pipette, El Bordiño est en pleine action. Jonction à 8h00 (toujours locales). Le haut n'est pas en conditions, il a laissé les skis au sommet du névé pour rejoindre le sommet en crampons. Le tout en 3h15 chrono depuis la voiture, je suis impressionné. Si la partie semble perdue, il m'indique quand même un faible espoir de tenter quelque chose avec les blades. Très motivé, cette nouvelle me shoote encore un peu plus, et après avoir vu Matt faire crisser ses carres sur la neige non encore totalement dégelée puis filer dans la grande combe de la Balmette, je remonte sur Nathanael qui ralentit. Il a en fait renoncé au sommet mais quand je lui annonce que " Ca va chier ! " et que je vais tenter de skier depuis le haut, il remonte le ressort et nous arrivons ensemble au premier bombé de mixte. C'est là que Matt a chaussé. Nous sommes au début de l'écharpe qui donnera un accès tortueux à l'arête sommitale, elle même tout sauf évidente. Peu après ce premier passage technique, Nat abandonne son surf, et je passe devant. La traversée qui s'en suit est d'une exposition rare. Le danger est tellement palpable que c'est l'un de mes plus grands souvenirs de pente raide. Aussi intense que la Petite Lance, presque autant que les Jardins Suspendus à Blonnière. La pente est désormais extrême, et au bout d'une vingtaine de mètres, on débouche sur une seconde section de mixte, que j'estime pouvoir négocier lattes aux pieds à la descente. Une dernière salve de vingt mètres et me voici sur l'arête, dans une ambiance incroyable. Quelle pente, quel itinéraire torturé, quelle sensation d'exposition, d'erreur impardonnable ! Nat suit à distance, je l'immortalise dans ces sections superbes. La course n'est pas finie. L'arête est tout sauf débonnaire, bombements mixteux très raides, piliers en neige pourrie, puis arête effilée étourdissante (60° ?) et surtout fine comme une lame de rasoir. C'est le dernier bastion avant un petit coup de cul, et le sommet, étriqué, du Grand Pic. A 8h50, je suis l'homme le plus haut de Belledonne ! Pour seule compagne, une vague trace jaune qui indique que Matt occupait ce poste il y a une heure et demi déjà... Dix minutes plus tard, c'est un Nat finalement pas trop déçu d'avoir abandonné son surf qui me rejoint. L'heure n'est pas encore aux congratulations, le plus dur reste à faire. Je suis tendu car je sais que je vais tenter quelque chose dans cette descente, que c'est un gros défi comme on n'en relève pas souvent. Serais-je à la hauteur ? Sera-ce le dernier ? Vais-je trop loin ? Les questions habituelles et les doutes qui surgissent lors d'une grande réalisation ne me sont pas épargnés pendant ce petit quart d'heure au sommet. En bas, Crolles, la ville, la sécurité. Pourquoi faisons nous tout ce qui est en notre pouvoir pour y échapper ? N'y serait-on pas bien, de bon matin, sans avoir à se demander si on sera vivant dans une heure ?

" C'est une belle journée pour mourir " lance-je, sur le ton de la boutade, à Nat qui me demande si je vais franchir la lame de rasoir neigeuse à skis. Nous commençons à descendre en crampons, j'ai l'estomac qui se noue.

Je chausse avec précaution aux alentours de 2930m, sur l'arête au dessus de l'épaule neigeuse où l'on quitte la facette Sud Est. Plus le temps de gamberger, une fois rangés les crampons et fixés mes snowblades, piolet en main, mon choix est fait : je dois l'assumer. Les premiers virages jusqu'à l'épaule où nous attend François sont sans problème majeur, je me mets à l'aise mais la peur me tenaille toujours. Mes compagnons du jour ne chausseront pas leur engin de glisse avant le névé Pélissier, peut-être aurais-du en faire de même. L'émulation, la saine émulation qui règne dans ces sorties " inter-groupes " a fait le reste, pas sûr du tout que j'aurais attaqué si haut si je n'avais été accompagné que de mes amis du BLMS. Choses à prouver, à se prouver, on ne se refait pas, quand on est con... et j'ai pris cette option. Je m'engage maintenant dans l'écharpe à proprement parler. C'est très raide, l'erreur m'est interdite. J'assure chaque virage du mieux que je peux, soufflant bien. J'ai toujours un trac monstrueux, et je ne vois pas comment il pourra disparaître avant la fin du mixte du bas. Le moindre faux pas jusque là et c'est la mort assurée. J'ai pris le pari de ne pas déchausser pour le premier passage en rocher, où je rejoins Fanfan en pleine désescalade. Un dernier virage sous haute pression, je suis dans le bon sens. Je dois traverser sur la droite pour rejoindre le bas de la " benne à ordure ", où effleurent encore quelques rochers. En admettant que je réussisse ma traversée, qui me dit qu'à la réception d'un virage je ne vais pas basculer sur une caillasse et disparaître après un énorme saut de barre ? Je préfère ne pas y penser de suite, me concentrant sur la section technique qui m'attend. Je suis maintenant trop engagé pour pouvoir déchausser et m'offrir la sécurité des crampons. Il me faut m'en sortir blades aux pieds. Je suis coincé. Mes deux camarades ont cessé de plaisanter sur mes engins originaux. L'heure n'est pas à la bagatelle, autant me rendre à l'évidence, je suis au taquet. Rester calme. J'avance tout doucement, comme en escalade je cherche le bon placement pour retrouver un équilibre. Main droite sur le caillou, j'arrache mon gant gauche avec les dents pour pouvoir serrer une réglette noire que j'ai repérée. Pourvu qu'elle tienne, mais contrairement à ce que l'on a vu près du sommet, ce bout de caillou là est solide. J'arque cette prise de toute la force de mes doigts et avance juste ce qu'il faut pour me retrouver en position de reprendre le fil du ski. Nat et Fanfan sont devenus silencieux et tentent de me décontracter. Je me laisse déraper quelques instants pour sentir le grip puis plante un virage avant de basculer sur la gauche de l'éperon et de filer vers le ressaut de mixte du bas : je suis presque sorti d'affaire, à cet instant mon coeur s'emballe et le noeud se libère. Je sais que sauf grosse surprise ce sera une victoire. Quatre mètres de mixte teigneux en désescalade me séparent du névé Pélissier, je ne prends plus de risques inconsidérés : une manip rapide mais précautionneuse, me voici armé de crampons, lattes scotchées dans le dos. Je désescalade prudemment cette petite section presque verticale au son des crampons crissant sur le roc puis les range définitivement juste après. Je rechausse et suis prêt à enquiller jusqu'en bas du névé, jusqu'à la sécurité absolue. Nat et François sont bien plus lents crampons aux pieds dans du terrain varié que surf strappé aux pattes dans une face sur-raide... Après les avoir attendus un quart d'heure, je m'arrache de cette face qui chauffe beaucoup et descend les trois cents mètres qui me séparent du mini camp de base où j'ai abandonné mes affaires de montée. Je me pose là et me restaure, adossé à mes skis, attendant de les voir débarquer sourire aux lèvres. Un bon quart d'heure plus tard, je suis soulagé en voyant arriver mes compères, sains et saufs après une bonne petite crispette dans le bombé en mixte. En surf par contre, ils ont véritablement dévalé le névé Pélissier pour savourer avec moi le bonheur de vivre de tels instants. L'épilogue de la descente est moins glorieux en ce qui me concerne. Neige ultra lourde, jambes cramées, ampoules en sang ne font pas bon ménage, et ma relâche nerveuse après l'action n'arrange rien. C'est à la " crew " d'attendre mille ans un Lansb liquéfié qui a bien cru ne jamais arriver jusqu'au chemin forestier, alors qu'en surf, ils n'ont fait qu'une bouchée des dernières centaines de mètres ! La " Nimp Crew " autoproclamée (le copyright serait en cours d'acceptation) prend sa revanche et aura des arguments pour me pourir quand j'insisterai un peu trop lourdement sur leur délicate descente en crampons du Grand Pic de Belledonne, un matin de mars 2004... Un sentiment de plénitude m'envahit une fois arrivé à la voiture. Pourquoi avons-nous besoin de nous mettre dans des états pareils pour nous sentir vivants ? Pourquoi ai-je besoin de voir la mort de près pour vraiment me rendre compte que j'aime mes proches et en particulier Elsa ? Pourquoi recherchons nous toujours ces situations " on the razor's edge " pour avoir l'impression d'être quelqu'un en ce bas monde, de toucher au bonheur ? Des questions que je ne me posais pas avant d'être incorporé au BLMS, et qui depuis ne me quittent plus. Autant de façons de comprendre la rage de Vincent qui, malgré les multiples raisons qu'il peut avoir d'être heureux, ne le sera jamais autant qu' avant, jusqu'à ce qu'il puisse de nouveau s'adonner à cette passion dévorante. Comme n'importe quelle drogue, on n'arrête pas la montagne comme ça. Sans cesse renouvelée, la lassitude ne peut pas s'installer. C'est une amante qui ne se quitte pas. Il s'agit d'une autre vie, parallèle à celle que l'on mène parmi les hommes. Ca, les gens " d'en bas ", les citadins, ne peuvent pas le concevoir.

Romain de Lambert