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Tranches de vie à l'UF2 ou les chroniques d'une terreur annoncée...Semaine 1 : le tonnerre gronde...23 mai - 03 juin 2005Ca fait des mois maintenant que je suis inscrit à cette UF2 du BE à Voiron. Dès mois que j'attends ces quinze jours avec impatience et appréhension aussi. Ils sont arrivés. Dix huit grandes voies depuis mars, dont la superbe " voie de la Paroi Rouge " à Archiane avec Matt en guise de cerise sur le gâteau, voici ma préparation pour ce que Sylvain appelle " la vitrine du BE Escalade ". Les trois premiers jours sont relax : lundi, présentation et cours théorique en salle au CREPS, sous une pluie fine. Cette demi-journée sera la seule qui ne s'effectuera pas en plein air. L'après-midi, la visite de la tour de crash-test à Petzl tombe à l'eau suite à une embrouille planning : nous filons ainsi à Comboire un peu à contrecoeur pour attaquer la grosse manip de l'UF : le rabout de corde sous tension. On sauve la journée en prenant un peu d'avance sur la suite, mais bon, déception tout de même. Mardi est une journée consacrée à l'équipement. C'est Ludo Pin assisté de Sylvain qui s'y colle, c'est le cas de le dire. Le plus prolifique grimpeur de 8 actuel sur le bassin Grenoblois n'est pas avare de conseils et surtout dispose d'une grosse expérience. Nous équipons un petit secteur école au site du Vernis, derrière Bourg d'Oisans, au frais. Associé à Florent Chabert, un bon gars de " Barcelo ", ainsi qu'à Frédéric Escoffier, le cousin du prestigieux et regretté Eric, je rééquipe un joli dièdre en 5+/6a ce qui permettra au plus grand nombre de se frotter à cette ligne tombée en désuétude. Repérage, perçage au perfo électrique, mise en place et collage des broches, tout y passe : au final, c'est nickel : amusant et instructif. Mercredi, journée manipulations de corde à Comboire. Je m'y rends à vélo, car jusqu'ici je suis un peu sur ma faim question sport… ça va changer ! Nous revoyons toutes les techniques susceptibles de nous être demandées à l'examen : rabout de corde sous tension, décrochage rappel du haut, du bas, tous les types de mouflages (boucle, grand balancier, simple, mariner simple et mariner double, easy). Ca déroule, tout est clair dans ma tête, je suis serein. Il faut en profiter, ça ne va pas durer. Jeudi 26 mai 2005 : initiation à l'artif. Je me retrouve dans le groupe de Sylvain aux Trois Pucelles. Il y a un an j'étais passé le saluer sur ce même site alors qu'il formait d'autres futurs professionnels, j'étais loin de me douter que 12 mois plus tard, ce serait mon tour. Nous attaquons la journée par un inventaire exhaustif du matos d'artif. Sylvain nous propose un petit historique concernant les différents pitons, coins de bois, crochets, câbles, excentriques, friends, le " clean climbing ", le " agressive testing " des points, bref, tout ce qu'il faut savoir pour se mettre terreur. Il choisit ensuite la voie la plus dure du secteur pour une petite démo de quelques mètres dont une traversée sur crochet goutte d'eau et des suspensions sur câblés qui nous font hypnotiser : il est rapide, à l'aise, confiant : cette ingrate activité en devient presque belle. Mais très peu pour moi ! Chaque stagiaire attaque avec une voie en libre en 5+/6a à protéger intégralement. Je m'en sors plutôt bien, grimpe rapidement, et place de belles protections, notamment dans le bas (excentrique béton entre autres). Je suis plus dans mon élément, j'ai des repères, ça roule. Ensuite, nous passons à l'artif pur : quelque chose me dit que ça va moins rigoler. Sylvain m'associe avec le Foué et nous désigne pour faire… la voie dans laquelle il a démontré son savoir faire le matin même ! La plus dure quoi… là je ne fais pas du tout le malin. Je prends les devants et décide d'ouvrir les hostilités. L'équipement à embarquer est abondant : tous mes coinceurs et friends moyens (les systèmes de fissures sont fins), une dizaine de pitons, mon marteau, des coins de bois prêtés par le Momo, à bourrer dans les alvéoles pour ensuite coincer un piton entre la roche et le coin de bois (!!!), deux étriers à planchettes, les crochets goutte d'eau (l'étoile noire est un modèle particulièrement adapté paraît-il), etc… Me voici au pied du mur. J'en oublie presque de m'encorder tant je songe à ce qui m'attend. Je pars en baskets pour plus de confort. La particularité de cette voie (A2 new age ?) comparée à sa voisine par exemple, est l'absence pitons en place après 3m (contre 4 ou 5 cornières pour la voie d'à côté par exemple). Le retour au sol en milieu de longueur si on fait nimp n'est donc pas à exclure. Bien malhabile, je suis obligé de pitonner à 2m du sol pour être sûr de ne pas me briser les chevilles. Peu à mon affaire sur ces étriers de malheur, je suis surtout content de ne pas avoir oublié mon crochet fifi. Un petit câblé au dessus du piton, on se remonte sur ces putain d'étriers, et je bondis sur le seul et unique bon piton de la voie : fifi, mousquetonnage, remonter les étriers, j'ai déjà envie de descendre. M'enfin le sketch du départ est terminé, j'ai décollé, j'ai moins honte. Le système de fissure change : je dois traverser 2m à droite pour rejoindre une fissure fine qu'il faut suivre sur 10m, avant d'en changer à nouveau : mais ce sera pour Foué ; en effet, vu la difficulté de la ligne, nous sommes autorisés à ne faire qu'une demi longueur chacun, ce qui me rassure un peu. Pour traverser, une petite encoche à ma droite doit accueillir le crochet goutte d'eau sur lequel je dois effectuer un transfert d'appui. Je positionne le plus petit crochet de l'étoile et le fais mordre. Il crisse mais semble trouver sa place. Ouh que j'aime pas ça ! Je longe mon étrier pour ne pas le perdre, puis le mets en tension sur le crochet. Là, je me défifite du piton, transfère mon poids dans l'étrier du crochet : tout doucement, me voici entièrement dessus ! Remontée terreur sur les marches du dit étrier, et traversée sur la droite pour rejoindre l'autre fissure : c'est bon ! Une cornière tête en bas a été laissée en place par Sylvain à cet endroit (il s'en était servi pour regagner le sol), ce sera la dernière de la voie. Mais il faut maintenant avancer. Chercher une protection (le plus souvent un petit câblé qui racle avant de mordre dans cette fissure évasée, quand il mord !), la placer, et procéder à l'" agressive testing ". Encore un grand moment de solitude que cette invention là : placer un étrier sur la protec, et monter dessus par à-coups pour la mettre en charge violemment : si ça s'arrache, comme on n'a pas encore mousquetonné, on limite le facteur de chute. Plusieurs fois ça ne tient pas, mais je parviens à ne pas me la mettre (ce ne sera pas le cas de Foué qui prendra un friend dans les dents). Si la protection tient, on monte dessus, on clippe la corde, et on récupère l'étrier le plus bas. Il suffit de répéter l'opération encore et encore, en espérant ne pas tout déboutonner en cas d'erreur de jugement. Ce qui arrivera d'ailleurs à un autre stagiaire dans une voie voisine, heureusement équipée de pitons : il finira sa course tête en bas ! Les huit mètres de fissure gravis péniblement et exclusivement sur petits coinceurs et petits friends en serrant les miches m'ont laissé un souvenir marquant… Un peu au dessus de la mi-longueur, je parviens à planter une " balle neuve " (de marque Camalot, mes bons amis !) ainsi qu'un friend correct et me fais mouliner dessus… le calvaire est terminé pour aujourd'hui : c'est le Foué qui, pour la fin de la longueur, va prendre le relais. Il hurlera bien lui aussi quand ses pitons bougeront alors qu'il les mettra à l'épreuve de son poids… Il n'utilisera d'ailleurs que des lames jusqu'au relais, la configuration de la " fesse " sommitale l'y obligeant. Vendredi : milieu de stage, et première grande voie terrain d'aventures. Christophe, Marie, Foué, et le Lansb sont affectés à Vincent Meyrieu, un fort BE du Vercors et formateur au CREPS depuis quelques temps, que j'avais déjà rencontré à la DJ Face à l'automne dernier. Objectif : Serre Chatelar - Combe Laval : voie de la Colonne. Une ancienne voie tombée dans l'oubli, en fissure exigeante, même si la cotation n'est que VIa. Le site, comme la ligne, sont des plus confidentiels au niveau fréquentation. Mais comme le dit Vincent, méfions nous des " V+ " à l'ancienne : je le sais déjà et suis du coup sur mes gardes. Retard au rendez-vous le matin pour Christophe, misère sur la route derrière des convois exceptionnels indoublables (car escortés de flics), nous sommes à Pont à 10h30. Parking, approche, début des rappels une heure plus tard. Un grand rappel et relais plein gaz : c'est d'ici que Marie va effectuer, en conditions réelles, un rabout de corde sous tension. Dans des conditions on ne peut plus compliquées : le relais, plein vide, est exigü et nous sommes nombreux. Christophe et moi serons les cobayes. Pas rassurant. Marie, grimpeuse sereine, est cependant peu à l'aise avec ses fondamentaux (demi cab, nœud de mule, …), nous allons vivre un véritable calvaire : imaginez vous l'un sur l'autre (un blessé, un secouriste) plein gaz, sans toucher le caillou, suspendu dans votre baudrier pendant une heure entière : plus de circulation dans les jambes, un mal de dos lancinant, c'est l'horreur. Le stress de la mise en tension puis du débrayage du valdôtain, moments forts de la manip, ne nous touchent même pas tant nous ne pensons qu'à une chose : poser nos pieds sur la terre ferme. Nous maudirons Marie toute cette descente abominable. Lorsque nous touchons enfin le sol, c'est la délivrance ! Le sang circule à nouveau dans nos pattes et nous gambadons joyeusement. Une petite pause s'impose, le temps que les trois autres olibrius nous rejoignent. Ils mettent le temps, tapant un rappel de 100m avec passage de nœud obligatoire. Il est déjà 14h : que de temps passé dans cette manip et cette descente ! Une bonne partie de bartasse s'engage alors pour trouver le départ de la voie : Vincent au portable avec un des maîtres des lieux, le L, sans doute inspiré par le flair légendaire de ses illustres collègues du BLMS, s'empare du topo et balaye la falaise… Il nous faudra pratiquement une heure et demi pour enfin localiser le départ exact de cette voie, au milieu des buis et de la végétation luxuriante de cette partie peu fréquentée du Vercors. Le cagnard tape, et il faut maintenant grimper. Les cordées sont les suivantes : Foué et Marie avec le formateur, Vincent. Christophe et votre serviteur en cordée autonome suivront. La première longueur, négociée par Foué et sa cordée puis par El Guido, est en rocher très médiocre, mais ne présente pas de difficulté technique, si ce n'est un tirage quasi obligatoire (et assez mal géré par le L par flemme). La seconde, un bon 6a des familles (absolument indécotable soit dit en passant), présente un crux en fissure lisse à coincements: le caillou est bon, ça sent le Verdon ! Il fait chaud et nous avons déjà tous pratiquement bu ce qui nous restait d'eau. De toutes façons, pour quatre longueurs, pas besoin d'emmener sa maison sur son dos. Alors que j'arrive à R2, je me rends compte qu'il y a un petit bouchon au relais : surprise, Foué et Marie sont là : c'est donc Vincent qui grimpe en tête dans cette longueur. D'après ses sources, elle présente un rocher très médiocre et aucun point d'assurage. Il a donc mis les plans qu'il avait mentionnés le matin à exécution: passer devant et pitonner un peu si possible. En fait de pitons, il en mettra un tête en bas à moitié enfoncé, au prix d'un bon taquet, et un autre sous le relais. Il met pas mal de temps mais finalement, un " Relais ! " retentit. Foué et Marie démarrent en second, ça a l'air chaud. Marie a pour consigne de retaper le piton tête en bas, elle s'arme d'un marteau. Vincent, au taquet, n'a pas pu le faire pénétrer suffisamment. Cette longueur est franchement expo, je me demande un instant si nous allons nous aussi bénéficier d'une " corde venu du haut " pour la négocier. Le fait que Marie soit mandatée pour bétonner le piton ne me dit rien qui vaille : ça va être ma fête… Lorsque je pars du relais chargé de tout le matériel, je n'en mène pas large. Je vais être le seul des stagiaires à grimper en tête cette longueur que le formateur, pourtant bien plus fort que moi, a jugé bon de prendre en charge personnellement. Au bout de 5m, après avoir cravaté un arbre, je glisse mes doigts dans une bonne grosse écaille grise. Je serre un peu pour la tester, sans pour autant tirer dessus, mais je suis assez confiant : le rocher a l'air bon. D'un coup, elle s'arrache, un bloc énorme ! Je hurle à Christophe de se protéger, la roche vole dans un grand fracas pile au dessus de son casque. Je vais le tuer, merde ! Christophe disparaît dans la poussière et après quelques instants, l'immonde vacarme cesse. " Ca va ? Christophe ça va ? " Mon cœur bat à tout rompre. Putain si je l'avais tué ! - Ca va ! J'en ai pris un bout sur le bras mais le gros m'a évité ! Il s'était bien recroquevillé sur sa petite terrasse, ce réflexe l'a probablement sauvé. Quel soulagement ! Bon sang mais quelle frousse ! Nous rassurons conjointement la cordée du dessus, inquiète sur l'état de santé de Christophe. Après m'avoir recommandé de faire très attention pour la suite, le Meyrieu me lâche un " bienvenu dans le Vercors " qui me décrispe un peu. Je me confonds en excuses auprès de mon compagnon de cordée. Mon mental en prend un sacré coup, j'aimerais être ailleurs qu'au début de cette longueur de merde qui je le sens, va me demander de prendre beaucoup sur moi. " Grimpe précautionneusement, ne bourrine pas, place les pieds sur les gouttes d'eau jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus, c'est technique, ne tire pas sur les bacs coincés dans la fissure, ils bougent ! Sois précautionneux, fais gaffe ! " Telles sont les consignes de Vincent pour la suite de la longueur. J'essaye de me reconcentrer. Grimpe précautionneusement. Je grimpe rapidement dans du gris pas pire jusqu'au pied d'une fissure très raide de 10m en rocher vraiment pourri. Grimpe précautionneusement. Dans ma hâte, je n'ai que très peu protégé jusqu'ici. Plus tard, le Foué m'avouera que Vincent avait placé avant ce point au moins trois ou quatre bons friends. Heureusement que je n'ai pas su cela à ce moment là. Je suis mal. Les pieds en écart, je daube des mollets. Grimpe précautionneusement. J'essaye de souffler. Je place un petit câblé dans une fissure orange dans laquelle s'enchevêtrent des blocs branlants. Un mètre au dessus, alors que le câblé a bien bougé avec les mouvements de corde, je cale un petit camalot à l'arrache, il ne tient pas bien, j'en suis conscient. Je n'en peux plus, je sens que je vais lâcher. Depuis 20m, j'ai sanglé un arbre, mis un friend potable et ces deux protections vraiment aléatoires. Je n'ose envisager les conséquences possibles d'une chute ici. " Reste calme, sois précautionneux, allez Romain, allez ! " m'encourage à nouveau Vincent depuis son relais. Foué, connaissant ma tendance à ne rien mettre quand je suis bien, et ensuite à caser des protec au taquet (une habitude héritée de Max lors de mes premières voies TA avec lui l'été 2000), est vert pour moi depuis sa petite vire. Je gueule un bon coup puis cesse de réfléchir : je grimpe, le sort en est jeté. Sous le piton à moitié planté de Vincent, j'attrape un bac orange de la fissure, il faut qu'il tienne, je n'ai plus de marge. Je le cravate d'une main au plus près de la fissure à l'aide d'un ficélou. Je le mousquetonne, c'est plus psychologique qu'autre chose. J'ai peur. Tout le monde m'encourage, allez allez, un mètre au dessus le rocher devient meilleur et les prises aussi paraît-il. J'arque une réglette, je glisse, je hurle. Un pied en écart, je jette plus haut sur un plat. Je bourrine dessus désespérément, et monte un pied sur une bonne prise grise, compacte, qui ne rompra pas. J'ai la gorge desséchée, le cœur qui bat la chamade, je me rétablis au dessus de cette satanée fissure piégeuse, trouve une position de moindre effort, et revis un peu. " Bravo Romain, super, tu as bien grimpé, les difficultés sont derrière toi désormais " me lance Vincent, probablement soulagé d'avoir en quelques minutes évité deux cartons. Je demeure concentré pour la fin de la longueur, où un rétablissement sur gouttes d'eaux me fait tracter à bloc, tirage oblige. Lorsque j'arrive au relais, la tension nerveuse s'effondre, je n'ai plus de jus. Le seul réconfort que j'ai après cette longueur terreur sont les félicitations du formateur : " Tu as bien grimpé parce que ce n'est vraiment pas facile en tête ce truc : moi aussi j'étais mal : bien joué. C'est pas V+ ça, je dirais que c'est 6b/6b+". Ces mots venant d'un octogradiste (confirmé) aimant le TA me vont droit au cœur. Je viens donc d'enchaîner à mon insu une longueur de 6b en rocher pourri sans aucune protection véritablement fiable jusqu'au piton deux mètres sous le relais. Je peux au moins espérer avoir marqué la journée, c'est tout bon pour la note de stage. Mais au bout du compte, j'ai eu très peur. Je dois absolument protéger d'avantage quand c'est facile, je ne veux plus me mettre dans une situation aussi tangente de si tôt. Quant à Christophe, il a un peu mal au bras. Il grimpe fort en couenne (du 8 dans les dévers des Calanques, en bon Marseillais qu'il est), mais n'aime pas le TA et il me semble horriblement lent. Est-ce dû au choc qu'il a subi avec ce canardage en règle ? Fort possible. La dernière longueur, un 6a pourtant pas abject, lui prendra plus de trois quarts d'heure ! Sans compter qu'il casse une prise de pied au bout de quinze mètres et se prend huit mètres de vol sur un piton… qui tient, ouf ! Au final, il est 20h45 quand nous nous rétablissons sur le plateau, après en avoir enfin terminé avec cette " voie de caractère " pour reprendre l'expression de Vincent, amoureux de son Vercors. Que ce fut long ! De retour à la voiture, nous asséchons rapidement les bouteilles d'eau abandonnées là ce matin. Que c'est bon ! Lorsque Foué me dépose place Notre Dame où Elsa doit me rejoindre pour un Kebab, il est 23h. Après une mauvaise nuit de sommeil, j'espère simplement que les cinq jours de la semaine prochaine ne seront pas tous de cet acabit. L'opiniâtreté paye toujours, me dis-je. Espérons-le, je vais me battre, mais faisons en sorte de ne pas se fracasser bêtement pour valider une UF… Semaine 2 : évitons le carton ! Semaine 2 : l'orage se déchaîne !Dimanche après-midi, sous une chaleur torride, retour dans l'ambiance de l'UF2 après un week-end de détente : vote pour la Constitution Européenne le matin, un picnic avec Elsa au col du Coq puis une visite collégiale du BLMS (sans Vincent cependant, retenu à Die) auprès du Docteur Schnopfler aux Petites Roches. Voyage vers la Palud à bord de la Xantia " qui chauffe " de Vincent Meyrieu. Talentueux grimpeur, il l'est un peu moins au volant puisqu'on signe un chrono de 4h… mais le trajet est sympathique, les discussions à bâtons rompus également. On apprend à mieux se connaître et on a une vision assez similaire de l'activité. Lundi " Les Caprices du Désir " sont au programme. A en lire le topo, rien d'affolant : TD+, 150m, 6b max. Voie des frères Rémy. Ca aurait du me mettre la puce à l'oreille, j'ai déjà donné avec ces deux gugus au style ZZ Top, notamment dans " Vision Fûtée " où il vaut mieux emmener quelques coinceurs ou une marge de dingue. Bref, descente par " Heure Zéro " (les rappels de Sordidon sont " déconseillés " pour cause de nidification, ce qui n'empêchera pas le groupe de " HLR " de les emprunter), et j'effectue une manœuvre de rabout de corde sous tension en situation. Ca se passe très bien, tout déroule, en vingt minutes TTC Foué et Marie sont posés sur le Jardin des Bananes en toute sécurité : je suis content d'avoir parfaitement exécuté cette manip et espère que ça m'aidera pour ma note de stage. Dès le début des hostilités cependant, c'est la surprise : rocher dégueulasse. J'attaque la première longueur en 5+ (petit surplomb pourri), relais dans une vague baume avec triangulation entre un buis, une sangle moisie retenue par un chaos de blocs coincés on ne sait trop comment, et, heureusement, un superbe câblé bien placé. La suite ? Vincent enquille une longueur pas trop difficile d'un point de vue technique (5/5+) mais en rocher déliquescent. Nous grimpons sur de la boue séchée, et, en fin de longueur, nous prenons pied sur un pilastre d'une quinzaine de mètres qui sonne creux de bas en haut. La plus grande précaution est de rigueur lorsqu'on choisit de tirer sur une prise, ou de charger un pied. Relais au sommet de ce pain de sucre fragile avec pitons et coinceurs. On ne se pend pourtant pas dessus, c'est trop moyen. Je repars dans le début de la longueur en 6b. Départ scabreux sur de mauvais blocs, je place un bon câblé pour protéger le relais un peu au dessus : je respire. S'en suit un passage en fissure où je ne me sens pas bien. Je mets un peu de temps ce qui tend à stresser un poil mon formateur, et me colle au passage un bon coup de pression. Finalement, je dégoupille un friend, tire sur un bloc coincé, et me débarrasse du pas tant bien que mal. Les consignes de la semaine sont assez claires : si l'on n'enchaîne pas les longueurs, il faut au moins trouver des solutions et mener des actions pour avancer. Je fais relais sur deux bons pitons au creux d'une petite fissure. On est mal, mais la triangulation a l'air solide : c'est déjà ça ! Marie et Foué mettant du temps à nous rejoindre, je repars en tête alors que l'un des deux devait me remplacer pour la suite de cette longueur clé. Il aurait mieux valu que ça se passe comme ça, ça m'aurait évité de me montrer sous un mauvais jour… Départ du relais, traversée à gauche, montée en écart sur du bon caillou : je place un très bon friend (le bleu) : le relais est sécurisé. Au dessus, fissure physique et technique, mais le caillou a l'air franc et sain : un changement. Je me bats en écart, en dülfer, les pieds sont mauvais, je transpire à grosses gouttes, tout le matos me fait chier, les coinceurs, les friends, les claqués au baudrier, bref c'est un peu l'agonie. Je place un second friend qui m'a l'air moins bon quelques mètres au dessus, et ensuite, je fais le yoyo : je monte, je descend, je n'arrive pas à me dépêtrer d'un pas retors. Sous les injonctions de Vincent, je décide de me " botter le train " : le résultat ne se fait pas attendre… Je passe le pas en force et me retrouve dans un réta malcommode. Trois mètres plus haut, un bloc coincé et une sangle. Le salut. Je n'arriverai pas à les atteindre, je suis farçi. Ici, impossible de protéger, et cette saloperie de bidoigt me flingue les articulations de la main gauche. Ca commence à trembler. " Gaffe, je vais tomber ! " lance-je à mon assureur. Je tente une désescalade à l'agonie, en vain. Baaaaaaaase ! Je souhaite de tout mon cœur que ce putain de friend ne s'arrache pas, sinon c'est la chute sur une petite vire suspendue à côté du relais. Le brin de corde se tend, le friend entre en charge… et tient ! Je suis assez bas, mais je n'ai rien tapé : ouf ! Après cette leçon inopinée de base jump, Vincent me rappelle au relais (même si j'étais prêt à repartir au combat, touché dans mon amour propre), et l'un des deux autres stagiaires va se charger de cette longueur. Etant donné que j'avais bien engagé vendredi et qu'aucun des deux autres n'avait eu à gérer pareille difficulté, il était prévu que les deux effectuent cette longueur en tête : il en sera finalement ainsi, mais si j'avais pu éviter cet échec, je ne m'en serai pas plus mal porté ! Foué et surtout Marie se sortent non sans combattre (ni se mettre terreur) également de ce mauvais départ, puis la longueur est plus facile, on y croise même quelques pitons. La fin se redresse à nouveau et on repasse en artif, entre deux coins de bois pourris et quelques friends pour se hisser. Relais suspendu très inconfortable sur deux pitons anciens, deux friends, les pieds sur des lames de calcaire un peu branlants. Marie grimpe avec Vincent et je me retrouve assuré par le Foué pour la dernière longueur. Devant son insistance, je jette quelques protections après le relais (qui n'est pas béton) histoire de bien protéger la cordée. Une goulotte technique en V+ puis un gros genevrier autour duquel il faut se tricoter, et la longueur, bien que raide, devient plus aisée. Je me rétablis sur le plateau, fort déçu de ma prestation malgré cette dernière longueur où je me suis plus " relâché ". Ma " perf " de Serre Chatelar est oubliée, il va falloir se remontrer à son avantage… J'essaye de ne pas me décourager, mais je sens d'ores et déjà que la semaine va être longue, et qu'il s'agira de ne pas craquer. Mardi Journée grande voie moderne, autrement dit du répit pour les nerfs. Pas pour les bras : nous partons pour " Série limitée ", la grande voie la plus " tendance " des gorges il y a deux trois ans. Située dans la Paroi du Duc (plein Nord donc), nous y serons au frais, à côté de la cordée de Ludo Pin qui s'activera dans " les Enragés ", la première voie des gorges du Verdon. Un truc historique. Notre itinéraire est long, 320m, 8 grandes longueurs dans tous les styles, cotation ED. Plutôt dalleux et dièdreux en bas, l'escalade se redresse pour finir sur un pilier surgazeux déversant à gouttes d'eaux : superbe. Rien à jeter, un caillou magique, très typé " Verdon ", des longueurs bien longues, continues, et techniques : un bijou. Je grimpe plutôt bien ce jour-là. J'enchaîne un peu fébrilement le 6b dalle de départ (45m d'escalade sur les pieds, et puis cette fâcheuse manie de ne jamais être à l'aise dans la toute première longueur), puis un 6a+ dièdre du style " Alta Rica ". Suivent un 6c+ teigneux sur une colonnette, et enfin un très long 6c athlétique en bas et très fin en haut : aucune ne me résiste. Mission accomplie. En second, je ne me fatigue pas avec le gros sac de Foué et m'aide des spits quand j'en ai besoin. Il reste après cette journée deux grandes voies en TA dont l'itinéraire engagé, pas question de se fracasser. Et pourtant, le soir, au repas, on se rend compte que nos bras ont pris une bonne décharge. Allez, courage, demain, c'est le " Dièdre des Aixois ", une voie mythique. D'une difficulté analogue à " Mescalito ", elle ne possède pas de longueur extrême en haut (6c+ max " seulement ") mais par contre l'équipement est réduit à sa plus simple expression. Il faut tout protéger. En somme on ne change pas… Mercredi Nous partons tôt vers le belvédère de Maugue pour attaquer l'approche sur le sentier escarpé. La descente est longue et c'est une bonne suée qui nous attend. L1 dans la forêt vierge : Vincent met quasiment une heure, nous ne le voyons pas, planqués que nous sommes dans une baume végétative. Il monte, redescend, se perd on dirait. Enfin mon tour arrive après le départ de Foué sur la corde du formateur. Première longueur en 5+ (nous avons zappé le petit bout de 3+, ce que je ne sais pas mais que je vais vite deviner vu la gueule de ce qui m'attend). Quelques mètres sur une rampe en terre assez raide, je cravate un petit buis, puis je comprends pourquoi Vincent a mis le temps : on attaque par une dalle lisse de 10m. Aucune protection. " Grimpe dans le lierre à droite Romain, entre la dalle et la végétation, plus haut tu pourras glisser un petit câblé ! " me hurle Vincent depuis son relais suspendu en pleine brousse. La dalle est lisse, pas de prise de pied. A droite, sur l'angle, c'est la jungle : bataille dans le lierre, aucune certitude sur la tenue des prises. L'angoisse. Moi qui croyais démarrer avec un petit 3+ pour me mettre en jambes, c'est gagné ! Je tente de rester calme. Je grimpe une dizaine de mètres avec une infinie précaution et je place un petit câblé. J'en mets également un deuxième, car je vais devoir traverser dans la dalle, c'est un peu aléatoire, et si j'arrache ces petites bestioles métalliques, c'est 30m de vol qui m'attendent. Très peu pour moi, merci ! Je respire un bon coup et me lance dans une traversée serre miche les pieds à plat, les mains tirant sans retenue sur des branches de lierre, ce n'est pas de l'escalade c'est de la survie dans la jungle Birmane ! Un piton ! Je me jette dessus comme un affamé, le mousquetonne, putain ça va mieux ! Quelques mètres au dessus, un bon buis : je m'empresse de le cravater et d'y passer l'autre brin de corde. Là, c'est sur, je n'irai pas en bas. La suite des évènements n'est guère réjouissante : Quinze mètres de fissure fine verticale à verrous de doigts. Rapide coup d'œil à droite et à gauche c'est lisse comme un cul de bébé : et merde, qu'est-ce que c'est que cette longueur à la con ? C'est ça du V+ ? J'essaye d'avancer, ce sera de l'artif : petits câblés exclusivement, il n'y a que ça qui rentre là dedans : j'en mets un, " agressive testing ", y pose une sangle, pédale de pied, moment de solitude, je la charge… elle tient. Je peux mousquetonner " en toute sérénité " comme on dit. En équilibre précaire, les autres coinceurs entre les dents, j'essaye d'en trouver un qui se prête à la section de fissure que j'ai en face des yeux, et je répète l'opération : l'exercice des Trois Pucelles en pleine paroi en quelque sorte. Mon univers se limite aux 50cm de fissure de mon champ de vision. Charmant. Mais qu'est-ce que je fous ici ? Après en avoir placé trois, je sens que je vais craquer : j'en ai plein le cul de ces cotations fantaisistes, et plein le cul de me mettre un taquet tous les jours. Je le dis tout haut. Marre ! Je continue cependant, la boule au ventre, jusqu'à me jeter sur le buis que je me suis fixé comme objectif. Une sangle, un mousqueton simple, clic, sauvé ! La suite de la longueur devient du vrai V+, et non plus de l'A2, et je fais relais sur un bon buis quelques mètres à droite de Vincent, en pleine forêt vierge. Pratiquement trois quarts d'heure pour torcher ces quarante-cinq mètres soit disant faciles, je me demande à quelle heure on va sortir de ces 300 bons mètres, et surtout à quelle sauce on va être mangés au dessus. Mythique ou non, cette voie ne me fait pour l'instant pas plaisir et j'appréhende la suite. Bientôt Marie décolle et commence à me rejoindre. Je reprends mon souffle et attends qu'elle arrive avec impatience : j'ai déjà la gorge sèche et j'ai hâte de mettre la main sur la gourde... Deux longueurs tout à fait végétatives mais plus abordables plus tard, nous arrivons à la fameuse longueur de 6a>A1. Une grande traversée technique en 6a, bien sur les pieds, est suivie d'un mini pendule (sur sangle pourrie évidemment) pour prendre pied sur une écaille et finir en artif facile (tire clou) avant un rappel d'une vingtaine de mètres. Ce dernier doit nous permettre de prendre pied dans le dièdre à proprement parler. Marie se lance dans la longueur, se fait un peu peur, puis je la suis. Les points sont éloignés, et l'équipement est très vieillissant : spits de 8 rouillés et à moitié dévissés, pitons noirâtres et bouffés, rien de rassurant. Surtout vu l'espacement. En second dans ce type de traversée, " on ne fait pas le malin ", dixit Vincent qui part avant moi. Je grimpe en faisant bien attention à ce que je fais, concentration maximale pour ne pas taper un pendule de 40m. Non, ça ne me tente pas, sans façons, après vous je n'en ferai rien. Mini pendule sur cordasson blanchi qui me rappelle la Livanos, puis Marie me mouline (gain de temps non négligeable, je n'ai ainsi pas à gravir les cinq derniers mètres de la longueur) pour me poser au début de la section " dièdre " du fameux Dièdre des Aixois. Restent quatre longueurs bien raides et soutenues jusqu'au plateau, jusqu'à la délivrance. J'attaque en tête le premier V+ et grimpe plutôt bien. Quelques sections délicates se présentent mais l'abondance de la végétation fait que l'on protège facilement sur les arbres, et j'ai également placé un ou deux bons friends. Je retrouve quelques sensations. L'avantage de ces satanés buis, c'est la sécurité. L'inconvénient, c'est qu'ils s'accrochent à tout, on fait l'amour avec, ou du catch, au choix : t-shirt, pantalon, câblés, dégaines, hexentriques, tout s'y coince et s'y accroche, on a envie de tout brûler ou de tout bazarder à la longue. Au dessus, Foué et Marie se mettent un bon taquet dans une longueur en 6a courte mais un peu finaude en renfougne. Cependant, elle est pitonnée, et le petit surplomb rayé d'une bonne fissure est un véritable piège à friends : aucun danger donc. Pour la longueur qui suit, Vincent, qui vient d'en terminer, me dit que je ne dois pas forcément passer en libre mais qu'il faut avancer : ce que je vais m'efforcer de faire. Marie, elle qui est d'habitude si calme, tape un coup de speed quand je quitte le relais : l'énorme becquet sur lequel il est fixé a sonné creux quand je me suis dressé dessus. Au début de la fissure déversante qui m'attend, je jette un superbe excentrique de bonne taille : même si je tombais avec un camion au baudrier, il tiendrait, j'en suis sûr : ça met en confiance. Petite section d'artif : hexcentriques, friends, pédales de pieds, la routine, on monte. Bon piton, et on continue. Je repars en libre dans une renfougne très raide et technique. J'avance plutôt pas mal dans cette section, je protège un peu moins. Dix mètres sous le relais cependant, l'escalade devient un peu plus dure, je ne prends pas de risques : je repasse en artif. Les quelques coinceurs et friends qui me restent sont placés judicieusement pour progresser en sécurité. Cela me prend cependant du temps et fait qu'au final, j'ai été un peu longuet pour en finir avec cette longueur en 6a+. Relais très inconfortable sur un arbre de Coriolis, le cul dans le vide. Et en plus, je vais y passer du temps ! Vincent très gentiment me prête sa sellette pour rendre mon relais plus agréable. N'empêche, j'ai des fourmis dans les jambes, et, même si je place mes chaussons entre mes genoux écorchés (tout comme mes jambes, mes avant bras, et mon dos après ces longueurs de corps à corps avec la végétation agressive du coin), la douleur à cet endroit et au dos est vraiment pénible. Lorsque Marie arrive, elle est séchée : la dernière longueur, en 6c+ mais très bien pitonnée (ça passe en A0 avec un petit pas d'A1 en haut), ne lui dit pas plus que ça. Vu l'horaire déjà tardif, Vincent la prend sur sa corde et elle m'assurera du haut. Je suis tout heureux de ranger la sellette, de remettre mes chaussons et de déséquiper le relais : mon dos est soulagé, mes jambes fourmillent. Je repars, blindé de matériel (celui de deux cordées) et me débarrasse rapidement de cette longueur magnifique, en tirant au clou et en récupérant le matos. Nous arrivons à l'UCPA vers 20h, après neuf heures en paroi. Il reste une journée, il ne faudra pas craquer, mais le plus dur est fait. Le moral remonte un peu ce soir, alors que je me gave de bouffe pour récupérer. Jeudi Changement de groupes : toujours en compagnie de Foué et Marie, notre formateur est désormais un très fort guide de la Grave, Robin Molinatti. Au menu du dernier jour, encore et toujours du TA, mais des voies plus faciles. Pour nous, ce sera " la Directe de la Recherche ", en 5 max. Ca tombe plutôt bien, car suite à mes nombreuses écorchures aux mains ou alors à un mauvais verrou de doigt, cette nuit une articulation de mon majeur gauche a gonflé telle un soufflé au fromage. Je ne peux plus le plier et il est bien douloureux. Sylvain me confectionne une attelle qui devrait me permettre de passer la journée, après ce sera repos. L'approche est identique à la veille, on connaît donc bien le chemin. Au pied de la voie cependant, c'est la désillusion : six grimpeurs d'une UF2 de Chalain sont déjà engagés dans la voie : gris ! De tergiversations en palabres, le tout bercé par le son du sécateur de Robin qui nettoie le chemin d'accès, nous décidons de suivre Sylvain qui est parti dans " Patibulaire " avec ses stagiaires. L'autre option était " E pericoloso sporgersi ", mais comme j'avais déjà parcouru cette voie, elle n'a pas été retenue. Après avoir entendu les types de Chalain hurler et frémi sous le fracas des parpaings de la taille d'un micro ondes qu'ils ont fait tomber, on se dit que l'on a bien fait de ne pas partir derrière eux ! " Patibulaire " : TD, 200m, full TA. Nickel donc, un peu plus dur que ce qui était prévu initialement, mais bon. La première longueur a été rééquipée, elle vaut un bon 6b+. Robin s'y engage, je préfère voir comment mon doigt va réagir. " Royal Robin " est très rapide, je me prépare et décolle à mon tour. Mon doigt est douloureux, et très rapidement l'attelle de Momo se barre. Me voilà bien. Bref, cette longueur déversante en fissure chauffe bien les bras, je m'attache à garder ce majeur tendu, à ne pas arquer. La longueur suivante débute également sur des spits, avant de les quitter et de poursuivre par un système de fissure raides. C'est a priori du V+, mais à mon avis on tape dans du plus dur dans la traversée supérieure. Connaissant les aptitudes de Robin et sa rapidité, je me décide de grimper vite pour faire bonne impression. Une traversée bien technique sur les pieds et assez physique entre deux systèmes de fissures dans la partie haute de la longueur met mes nerfs à contribution. Un dernier surplomb dans un goulot (protégé par un gros camalot), et je rejoins Gaël (du groupe de Sylvain) au relais, avec un tirage d'outre tombe. Lorsque Robin arrive, il trouve les mots pour me mettre en confiance : " Bien bien, bon relais, bien grimpé, c'était pas si facile ". C'est le dernier jour, enfin un compliment, putain, je vais lâcher du lest. La longueur suivante se passe dans les buis, quelques pas de IV+ par-ci par-là. J'enchaîne ensuite dans un grand V+ en renfougne. Du pur Maurin style. Au bout de quelques mètres, je patiente un quart d'heure sur un arbre que Fred Escoffier, cousin germain du mythique pilote de rallye des gorges de l'Arly et accessoirement très grand alpiniste, soit passé (il arrive d'une Momo-variante). La suite de la longueur est grandiose : écarts, protection sur câblés et buis, avant les vingt-cinq derniers mètres : fissure large et grosse renfougne. Pour la première fois du stage, je suis véritablement relâché. Un peu au taquet, mais en restant calme, je me cale dans cette renfougne et grimpe dix bons mètres sans protéger. Dos calé d'un côté, les pieds de l'autre, en écart, parfois de face pour se replacer, on y va ! Un hexcentrique calé par Gaël et que Fred n'a pas pu récupérer tombe à pic : un point béton, et un. Au dessus, la renfougne déverse. Avant d'attaquer la fin des difficultés, j'arrive à jeter mon superbe Camalot 3.5 qui mord très bien : un autre point béton. Je rejoins Gaël sur un relais exigu mis en place par Sylvain : un arbre mort et un becquet : autant dire que je ne vais pas m'amuser à en confectionner un autre : tout le monde dessus ! Lorsque Robin arrive, il m'encourage à nouveau en me disant que c'est bien d'avoir effectué cette longueur en tête : je suis content. Foué, qui a bien grimpé tout au long du séjour et qui a bien maîtrisé ses émotions, vit un jour de " moins bien ", et est vert dans la longueur. Je finis par lui donner un brin de corde 5m sous le relais pour qu'il me rejoigne. Dernier relais du stage, et encore une belle frayeur. Je suis cette fois simple spectateur mais néanmoins impliqué en tant que victime potentielle. Nous sommes deux à être vachés sur un relais bricolé dans cette renfougne malcommode. Pendus plein gaz, luttant contre le cancer du dos et des jambes, j'ai par ailleurs une branche de buis qui pointe juste derrière mon casque, direction les cervicales. Gaël à mes côtés n'est guère mieux loti. Au dessus de lui, Fred Escoffe se bat comme un beau diable dans une soit disant longueur de 4b (" 4b mon cul ! "), cinq mètres au dessus du seul piton de la longueur (par ailleurs improtégeable), ce piton étant lui-même situé à quatre mètres du relais. S'il se gauffre, il va nous envoyer une sacrée secouée : rien ne dit que notre relais tiendra bon, mais surtout, on va monter et je vais me faire empaler par ce mauvais bout d'arbre. On comprend mieux alors nos vifs encouragements à l'égard de notre camarade pendant sa lutte vers le haut ! Un peu plus tard, tout s'étant bien terminé, Robin Molinatti fuse vers le sommet en engageant comme un salaud. Vu l'exposition de la dernière longueur, il décide que Marie devra être assurée du haut. Je le rejoins donc sur un seul brin. Retablissement dans les buis, ça y est, la grimpe à l'UF2, c'est fini ! Et en ce jour, j'ai bien grimpé, je me suis senti bien, j'ai un peu l'impression d'avoir " sauvé " ce qui pouvait l'être. Mais nerveusement, quel soulagement ! Ce fut dur, il a fallu vraiment tout donner pour ne pas craquer ! Quelques manips sur le lieu de l'exam du lendemain et nous serons enfin libres. Plus que les examens, et ce sera fini ! Pourvu que ça passe, même à l'arrache, car je ne me sens pas vraiment de refaire tous ces efforts de si tôt : 5000 balles de stage, deux semaines de congés, de l'effort physique et nerveux, tout ça pour quoi ? Non, je ne veux pas imaginer que je puisse rater cette UF : il faut que ça passe ! " Failure is not an option " ! Vendredi La soirée fut relax, quelques manips, relecture des cours avant l'examen écrit, là ça sent l'écurie. Après le petit déjeuner, à la fraîche, l'écrit se passe bien, je recrache les paroles de Sylvain (que j'avais bues le premier jour du stage). La manip moins : très confiant suite à mon rabout parfait du début de semaine, je néglige un peu les manips de la Préfo " Voiron " (que nous n'effectuions pas avec le même protocole à Montpellier). Bilan : je tire un décrochage rappel du haut dans une configuration merdique (marchard placé hyper haut à la " Suisse Allemande " avec en prime pour la descente sur corde tendue un sale passage de bombé) et je veux shunter le mini balancier pour gagner du temps : bilan une bonne galère même si la sécurité du blessé n'a jamais été mise en défaut. Une manip laborieuse qui me vaut une note très moyenne. Je m'en veux car je voulais vraiment faire une belle manip. C'est raté. Bilan Ca paaaaaaaaaaasse ! Quel bonheur quand Sylvain nous annonce que tout le monde a validé le stage ! Cependant, ce n'est pas une promo de mutants, tempère-t-il, et nombreux sont ceux à être passés " ras la gueule ". C'est mon cas, mais peu importe. Intrinsèquement, je méritais une meilleure note de manip, mais un exam est un exam, avec la part d'aléatoire et de chance qui le caractérise. Tant pis. L'écrit fut très bon, le stage est dans la poche un peu " in arrachis " mais ma dernière journée avec Robin, mon " moral ", mon " esprit combattif " mon " goût de l'activité TA " (termes employés par les formateurs) m'ont permis de valider. C'est un grand soulagement et une grande satisfaction. Ce fut vraiment dur, plusieurs fois j'ai été tenté de craquer et de tout balancer. Au final je m'en suis tenu à la ligne de conduite que j'avais décidé de suivre : toujours s'accrocher et faire du mieux que je pouvais. Histoire de ne rien avoir à regretter. C'est le cas, modulo cette manip où j'ai voulu être trop malin. Dommage, mais ça fait partie du jeu. Aujourd'hui je suis épanoui. A la maison, on reprend des couleurs. Elsa a eu sa licence mention AB, j'ai fini ce stage avec succès, ce qui était mon objectif du printemps : la vie est belle. En plus, je suis hyper affûté : je pèse 58kg contre 61 il y a cinq jours. Et pourtant je me suis gavé matin et soir à la Palud, double ration de plats et de desserts à chaque fois ! Le stress, ainsi que les dépenses physique et nerveuse sans doute. Maintenant que tout est fini, peut-être vais-je aussi arrêter de pisser quatre fois par nuit ? Je l'espère ! Me voici Brevet d'Etat d'Escalade stagiaire. Je peux me déclarer à l'Urssaf, être travailleur indépendant, bosser dans un Bureau des Guides, un club… J'ai un deuxième métier, c'est officiel. Bien sûr, il reste encore quelques UFs mineures à valider, et également le Canyon. On peut tout de même dire que le " crux " de la formation est derrière moi. Reste à s'épanouir dans l'activité et à progresser en libre : rien d'impossible, surtout quand on a de la volonté. Et plus aucune pression. Romain de Lambert
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