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3 février 2004.

Elimination.

"- Puis-je skier ?, demandais-je au chirurgien.

- Oui, repondit-il, je connais des gens qui skient sans croisé, d'autres pas."

Il était donc question pour moi de faire le test.

Combien de fois ai-je re-skié ? Deux Croix de Chamrousse avant le boulot, une rando dans les Cerces avec Romain et Matthieu Plasteig, une autre collégiale au Col de Roche Noire, deux montées de pistes à Corrençon le dimanche matin histoire d'être de retour pour l'heure des croissants, quelques sorties en station pour me rendre compte que ce n'était vraiment pas mon truc: voilà résumée la "montée en charge".

Tout se passe bien et malgré des douleurs plus ou moins présentes, je retrouve mes sensations.

Enfin remis physiquement d'une salmonellose, il est temps d'envisager une sortie de pleine pente. L'envie rampante qui sommeille depuis des mois va enfin prendre forme. Il a neigé abondamment la semaine dernière et depuis 3 jours c'est grand beau-grand chaud: La transfo est à portée de spatules.

Lundi 2 février, la décision de poser la matinée est prise pour tenter quelque chose. Passivement, je laisse Matthieu décider de la destination et le choix s'arrête sur les pentes ensoleillées des Aravis, au dessus de la Giettaz.

Nous parvenons à debaucher Romain (au sens propre), en plein décalage horaire de retour des States. Ses skis étant en réparation, il sortira ses snow-blades, et les immondes raquettes prêtées par Matthieu pour l'approche. Le L est motivé !

Départ nocturne sur une piste enneigée bien plate, Romain se fait logiquement distancer et des débris d'avalanche tendent un piège à Matthieu qui s'affale tête en bas. Je lui tends une main qui vient du coeur pour le sortir de cette position indélicate.

La suite se poursuit sur une pente se raidissant progressivement, où les peaux ont du mal à s'accrocher sur la croute de regel. Nous sommes fixés sur le fait que, plus haut, dans les pentes tournées vers l'horizon, la bonne neige sera au rendez-vous !

L'itinéraire est à présent bien visible, au moins dans sa partie basse. C'est un raide couloir incurvé entre les rochers. Je suis assez mal à l'aise avec les lattes et je suggère à Matthieu de continuer à pied. Objectivement ou par sympathie, il s'arrête et s'élève en crampons, perçant maintenant la croute.

Je regarde souvent en arrière, nous ne sommes pas encore dans le couloir et pourtant je sens la pente très présente...hum, pas de très bonne augure, je commence à élaborer mentalement des plans de réchappe.

Le couloir d'accès et définitivement très raide, nous en convenons. On prend quelques photos et Romain revient gentiment. Rien ne presse, un voile nuageux au levant limite le dégel et malgré la température très clémente (la pipette ne gèle même pas), le soleil n'attaque pas la neige.

Matt m'offre 10 mètres de trace à la sortie du couloir d'accès qui, après s'être légèrement couché, se redresse à nouveau. Souvent je scrupte l'aval, essayant de me projeter dans la descente...Le rétablissement se fait dans de la neige plus poudreuse mais relativement dense sur une pente plus large et moins raide.

Nous sommes presque en haut et, par une dernière pente plus raide en neige dure, où pointent quelques rochers ça et là, nous arrivons sur la crête.

Ca faisait tellement longtemps que je n'avais pas ressenti cette ambiance qui précède une descente technique. Une légère tension, la saveur des moments imminents, le bonheur de partager cette atmosphère avec ses amis, c'est bien cela que l'on vient chercher ici. Je crois ne pas parler beaucoup, mais souris de bon coeur aux blagues du Lansb...

10 heures, il est temps d'y aller, en plus le soleil est sorti du voile et commence à lancer ses rayons. Je suis le plus prês de la "porte", je chausse, attrape mes batons, mets le piolet sur le sac, le ressort dans l'instant qui suit. Les gestes sont un peu désorganisés mais j'arrive finalement à introduire mes 2 skis dans la pente. Quelques mètres en dérapage pour me rendre compte que mes skis quasi-neufs ont un bon grip sur cette neige à peine dégelée et le piolet retourne sous la bretelle du sac. Un premier virage, puis d'autres, le coeur s'emballe, la gorge se serre, les larmes monteraient presque. Je n'y crois pas mais c'est bien là, je suis bien là !

Je m'arrête dans la neige souple pour reprendre mes esprits, et quelques photos de Matthieu et Romain qui s'élancent à leur tour. Visiblement leurs engins n'ont pas le même grip que mes lattes sorties d'usine...D'autant que Romain, faut-il le repréciser, évolue avec ses engins d'avant-garde de 80 cm.

Matt repasse devant dans cette section médiane, traverse à gauche où affleure une plaque de verglas, je le rejoins et lui demande de confirmer que mes skis (jamais fartés) bottent. Je ne traine pas dans le coin, et fais le dernier virage qui devait me mener jusqu'au couloir terminal qui se profile sur la droite.

Une courbe comme d'autres, certes pas parfaite dans cette neige un peu travaillée par le vent, on est loin du nimp virage et pourtant l'inimaginable se produit: A la réception un claquement sec, ma jambe qui s'éffondre. Je gaine sur le ski amont et m'écrase le cul dans la neige. J'ancre le piolet et n'ose croire la vérité. "NOOOOOOOOOON, NOOOOOON, NOOOOOOON !". C'est en ces termes que j'hurle la raison de ma chute à Matthieu. Il me rejoint, atterré, puis Romain.

Cette fois c'est fini, il faut se rendre à l'évidence. Ce serait stupide de croire que c'est juste un incident de plus. Cela aurait pu arriver n'importe quand, n'importe où, cela ne change certainement rien mais c'est arrivé là ! Imaginez-vous descendre une pente avec des fixations de verres...

Aujourd'hui je m'englue un peu plus dans les suites du 7 décembre 2002. Et aussi je suis triste car c'est une page qui se tourne, j'ai bien essayé de faire ce que je croyais être le meilleur. De me faire plaisir avant tout et peut-être égoïstement aussi. Je me sentais bien, j'avais l'impression d'être parvenu à faire les compromis qui se sont imposés depuis un an. Et là, le jour de la "reprise", le grand jour tant attendu, tant espéré, j'ai juste eu le temps de regouter, pour quelques instants seulement au plaisir qui m'avait été confisqué.

Il faut reconnaître que cela a foiré, et tenter d'admettre les faits en restant bon joueur.

"Vous n'engagerez plus comme avant", m'avait dit le Docteur Rulh lors de mon séjour à Saint Hilaire. Cette phrase je l'ai tellement ruminée. Je comptais bien lui envoyer une photo qui l'aurait fait mentir.

C'est tout un pan de vie qui est secoué, outre l'activité elle même, ce sont des relations, des amis, le BLMS.

Des reflexes intégrés au fil des ans aussi, regarder le web; Scrupter le ciel, les montagnes, y imaginer des lignes. Je continue comme un abruti à faire tout ça alors que c'est devenu completement inutile.

J'aurais aimé que cela se passe autrement, voulu que cela dure. Chance, malchance, difficile de ranger certains tumultes de la vie !

Vincent Fiori, 6 février 2004.