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Aiguille Verte: couloir Couturier



23 juin 2001

Le couloir Couturier c'est une histoire qui commence tôt: Samir me propose un jour de gravir l'Aiguille Verte par ce versant. Je ne connais alors pas grand chose de la haute montagne, encore moins du Massif du Mont Blanc et de ce sommet. Coup d’oeil au Rébuffat, la description est assez peu engageante mais la photo du couloir vue de face est impressionnante et a quelque chose d'envoûtant. Comme pas mal de projets que j'ai pu avoir avec Sam, celui là tombera à l'eau pour je ne sais quelle raison...

Un peu plus tard (Avril 1999 peut-être), j'allais dans ce secteur avec Matthieu Plasteig et un ex-Insa, Vincent il me semble. Lors de ce circuit de 2 jours, nous étions montés par le téléphérique des Grands Montets, puis descendus dans le bassin d'Argentière avant de rejoindre le confortable refuge des Aiguilles Dorées via le col du Chardonnet. C'est alors que je voyais cette empilement de faces Nord, encore très froides en cette période de l'année. Le couloir Couturier m'apparu extrêmement raide et long et c'est avec beaucoup de considération que je songeais aux alpinistes l'ayant gravi, sans parler de ceux qui s'aventuraient dans les faces mixtes alentours. Mais sur ce dernier point mon opinion est peu différente aujourd'hui. Le lendemain, je goutais à mes premières sensations de pentes raides en m'escrimant à descendre en piolet-ski le couloir de la table (en béton) à l'Aiguille du Tour. Depuis, j'ai traîné mes peaux dans quelques coins des Alpes "Grenobloise", rencontré le BLMS et j'appréhende le ski de randonnée d'une autre manière.

C’est ainsi, qu’en mai 2001, avec Matthieu (Bordin cette fois) l'idée revient de gravir ce couloir. Il s'agit cette fois de le gravir et de le descendre, en surf pour Matt, en ski pour moi. Le créneau météo est étroit et je propose à Matt de poser une demie journée afin de profiter de cette fenêtre. Je passe le prendre à HP à 16h, il s'éclipse gentiment de son PC en lançant, sur un ton que j'imagine un peu gêné, un petit "à demain". Bref, le trajet se passe et la montée au refuge est des plus humide. Même si le temps est sec l'atmosphère est moite et la neige molle ne facilite pas la montée. Entre deux nuages, le couloir Couturier se laisse entrevoir: Il n'est pas vraiment lisse et la rimaye n'a pas l'air évidente à franchir. Nous verrons bien...

Le réveil sonne, coup d’oeil dehors: Il fait très doux, il neige très légèrement et des nappes de brouillard circulent devant le refuge. Bof, pas très engageant, nous décidons de nous recoucher et de refaire un point météo dans une heure.

Au réveil suivant, les choses se présentent mieux, il y a quelques étoiles et, bien que la température soit toujours très douce, nous espérons bénéficier d'un regel suffisant et d'une météo satisfaisante. Ainsi, nous déjeunons rapidement et chaussons nos engins afin d'entamer la journée par la petite descente menant sur le glacier. Nous déchantons dès les premiers mètres: La neige est complètement pourrie sur toute la profondeur sondable, même pas le soupçon de croûte de regel pouvant nous faire espérer que, 300 mètres plus haut à la hauteur de la rimaye, les conditions seront potables. En 5 minutes nous devons nous y résoudre: Le Couturier ça ne sera pas pour cette fois. Il fait encore nuit lorsque nous entamons la descente et quand le jour se lève, le ciel est très nuageux. Il commence même à pleuvoir avant que nous ayons rejoint la voiture. Nous serons à Grenoble à l'heure des croissants.

Fin juin, la neige en Oisans est déjà bien haute et l'idée de l'Aiguille Verte est toujours présente. Nous sommes vendredi et la météo pour le week-end est bonne. Disons plutôt qu'il va faire beau parce que pour le ski les prévisions pourraient être meilleures. Après une belle journée de samedi où les températures commenceraient à monter, la calicule est annoncée pour Dimanche. Il a neigé il y a peu, le couloir Couturier est orienté Nord Est donc certainement très chaud: Il ne s'agit pas de le descendre dans de la polenta et encore moins s'il n'y a pas de regel. A ce propos ce dimanche, plusieurs cordées ont déclenché des avalanches, notamment en Oisans. (MBO: sans compter le skieur qui fit une chute mortelle le dimanche dans ce meme Couturier...)

Romain est encore en convalescence, Max coincé à Paris jusqu'au soir et Matthieu accompagne un groupe au Pic Coolidge. C'est donc seul que j'envisage à nouveau cette course. Peut-être est-ce d’ailleurs la raison pour laquelle j'éprouve une appréhension particulière avant cette course. Alors que les années précédentes les sorties solitaires étaient quasi systématiques, depuis ma rencontre avec le BLM, je n'en ai effectuées que très peu. De plus ma méconnaissance du massif accroît ce sentiment de solitude et d'incertitude. La réputation de ce couloir aussi, je me remémore quelques récits morbides. Même si ces moments de doutes sont fréquents lors de la préparation d'une sortie technique, je ne me souviens pas avoir autant douté que cette fois. Je me résonne en me martelant que chaque fois ce sentiment disparaît dans l'action, que je verrais bien en fonction des conditions et des motivations au moment venu. Il n'empêche, ces sensations sont assez pénibles et de plus, Mariane perçoit cette tension. Je ne sais pas vraiment ce que cela veut dire pour elle et comment elle le vit. Je m'en veux un peu.

Sur le parking au moment de partir je ne suis pas loin de rentrer à Grenoble lorsque je m'aperçois que je n'ai pas d'argent liquide ni chéquier. Coup de fil au refuge, la carte bleue est acceptée, je n'ai plus de raison de faire demi tour. Cette petite anecdote est un détail mais elle est pourtant représentative de mon état d'esprit à ce moment.

Toute la montée s'effectue dans cette ambiance de doute et de questionnement. Lorsque j'arrive au refuge je suis anormalement fatigué, un état proche de l'hypoglycémie. J'avale 2-3 sucreries avant de monter chercher de l'eau au-dessus. Malgré la fermeture du téléphérique, il y a beaucoup de monde au refuge. Le gardien m'indique qu'une cordée envisage le Couturier, ils se lèveront à minuit. J'ai fixé l'heure du réveil à 3 heures nous ne ferons donc pas l'approche ensemble.

La nuit fut plutôt courte, un moment de calme entre 23 heures et minuit puis, tous les quarts d'heures, un réveil qui sonne, des cliquetis de mousquetons, des bruits de pas dans le couloir du refuge. A 2 heures j'abandonne l'idée de dormir et commence à me préparer doucement. Discution avec deux gars qui partent pour la voie des Suisses aux Courtes. Levés avant moi et encore dans les préparatifs à mon départ, eux non plus n'ont pas l'air pressés.

Le glacier est rapidement traversé, là où une cordée pédestre met une demi heure pour arriver sur l'autre versant, c'est au bout de cinq minutes que je déchausse pour coller les peaux de phoque et commencer à monter. La pente devient très rapidement trop raide pour pouvoir monter à ski sans couteau, je re déchausse et monte dans les traces de mes 2 prédécesseurs que je remercie ici. Un peu plus haut, des frontales éclairent dans ma direction. Les 2 personnes ont fait demi tour à la rimaye du couloir. Visiblement elle présente une lèvre surplombante dans laquelle les piolets n'ancrent pas. Etrange, eux aussi avaient pourtant repéré un cône d'avalanche qui avait l'air de boucher complètement la rimaye. Je propose d'attaquer directement le couloir en rive droite, puis par une traversée, de rejoindre son axe. Peu convainquant, je poursuis donc seul, conscient qu'une bonne séance d'endurance m'attend pour faire la trace.

La rimaye passe effectivement très facilement à gauche. En fait à la descente depuis le glacier je m'apercevrais qu'elle passait aussi bien dans l'axe. Ils ont dû se tromper tout à l'heure. La traversée au-dessus est raide et en neige glacée. M'en fous, à l'heure où je descendrais la croûte sera suffisamment molle ! Il n'en sera rien cette partie étant tournée vers l'ouest. Une fois dans l'axe du couloir, la neige est nettement meilleure, parfois même encore poudreuse par endroit. Cela se présente bien, je continue...

Le soleil touche rapidement la pente, quelle ambiance dans cette immense cirque. Dans le haut le vent se lève et je peux voir des nuages de poudre voler par dessus la calotte. Il fait en effet bien froid à la sortie. Une fois sur la calotte, la pente se couche franchement et je peux m'habiller et mettre mes lunettes de soleil. Manger un peu, m'apercevoir que je suis déjà bien entamé physiquement.

La suite de la calotte est longue, et le sommet incroyablement haut perché. Ah, les quatre milles mètres approchent et se font bien sentir. Une cordée descend du sommet vers le couloir Whymper. La pause sommitale sera courte, juste le temps de reprendre mes esprits. Je suis confiant pour la descente mais pressé d'y être. Tout se passera bien en effet, sauf une petite chaleur dans la traversée tout en bas. Mon regard porté vers la goulotte que j'allais devoir traverser, je ne vois pas la plaque de neige glacée vers laquelle je me dirige. Je suis maintenant dessus et parviens avec peine à stopper les skis. Je sors le piolet de la bretelle du sac à dos. Ouf, ce serait quand même très con de glisser ici, alors que tout semblait terminé. Une bonne leçon en fait.

De grandes courbes mènent sur le glacier où je récupère mon réchaud. Les inquiétudes passées me semble maintenant ridicules et finalement regrettables. Tout s’est passé naturellement : J’ai fait consciemment ce que j’avais envie.

Il fait beau et il règne une grande quiétude. Je me laisse glisser vers la vallée. Les sentiments sont difficiles à décrire mais peut-être qu'il s'agit de sérénité. Il est à peine 9 heures, je rentre tranquillement sur Grenoble où Mariane doit arriver. Je suis heureux.

Vincent Fiori, le dimanche 18 novembre 2001