Warning: main(http://paleo.blms.free.fr/menu/menu2.php) [function.main]: failed to open stream: Network is unreachable in /mnt/107/sda/4/e/paleo.blms/php/template_recit.php on line 22

Warning: main() [function.include]: Failed opening 'http://paleo.blms.free.fr/menu/menu2.php' for inclusion (include_path='/mnt/107/sda/4/e/paleo.blms/include:.:/usr/php4/lib/php') in /mnt/107/sda/4/e/paleo.blms/php/template_recit.php on line 22

Aiguille Orientale du Soreiller: Dièdre Candau en solo



17 aout 2000

Bip-bip, bip-bip, bip-bip, ouf, je viens de couper la terrible sonnerie de mon petit téléphone jaune qui affiche ''7:00'', une heures somme toute raisonnable pour se lever. Quelques étirements, puis un rapide petit déjeuner et je suis prêt à partir. Ainsi, pas le temps de gamberger. De toute façon, je n'ai pas peur, je me sens prêt.

Tout commença par une belle après-midi d'été, quand nous dansions, Romain et moi-même, avec le pilier, dans le fabuleux cirque du Soreiller. Non loin de là, un joli dièdre serpentait dans la face : le dièdre Candau. Nous avions hésité la veille, à nous lancer dans cette voie, mais la célébrité de l'ouvreur n'avait pas suffit à nous convaincre. "D+, ça se fait en solo " nous étions nous esclaffés. Cette phrase que nous avions lancée comme la plupart de nos frasques, par simple dérision, commençait à prendre tout son sens. Nous étions là, perdu dans la face de l'Orientale du Soreiller et nous ne voyions que ce dièdre, à la fois beau et austère, raide mais abordable. En somme, une voie incontournable, de niveau modeste, mais que l'on se doit de faire. Alors pourquoi pas la faire en solo? c'était décidé, je reviendrai danser avec le dièdre Candau.

Aujourd'hui, Romain se fait assister de ses parents pour trouver un appartement. Je suis seul, c'est donc le moment d'aller affronter la roche pour un combat sanglant contre le vide. Il est ''7:30'' quand je ferme la porte du garage. Je pose mon sac pratiquement vide (un baudrier, une gourde et une paire de chausson) sur le siège passager et démarre, direction Les Etages. Une petite demi-heure et me voilà à pied d'oeuvre prêt à attaquer les lacets qui serpentent jusqu'au refuge. Ma légendaire habitude de partir trop vite ne me permettra pas de battre le record de la montée établi quelques semaines auparavant, avec des sacs pourtant beaucoup plus lourds, mais mon temps reste tout de même honorable, hors de portée de la gente féminine, sauf exception rare. Eh non, je ne suis pas macho ! Une courte pose au refuge, le temps de remettre de l'eau dans ma gourde, et me voilà reparti pour le pied de la face. Sous équipé comme à mon habitude, je me vois obligé de muler pour atteindre le haut du névé qui donne accés à la voie (être partisan de l'hypralight procure souvent des désagréments, Romain en sait quelque chose).

Je pose enfin le pied sur le rocher, avale une goulotte de boisson magique et évalue la situation : le départ dans la cheminée humide décrit dans le topo semble quelques mètres à droite. En revanche, je reconnais le départ de Danse avec le pilier où plusieurs cordées sont engagées, l'une d'elles ayant laissée son animal domestique attaché au premier spit de l'ascension. Je ne peux alors m'empêcher de repenser à l'immense bloc détaché malencontreusement par mes soins, il y a peu dans cette même voie, et qui atterrit pile à l'emplacement actuel du toutou. Même si je ne suis pas un ardent défenseur des animaux et que les chiens ont souvent tendance à me gonfler avec leurs aboiements, il me paraît tout de même criminel de laisser un canidé à cet endroit. Il est de notoriété public, je crois, que le rocher de l'Oisans, fusse t'on dans le cirque du Soreiller, n'a pas son pareil pour se casser la gueule !

Ces considérations sommaires et toutes personnelles s'achevant, je m'équipe (sommairement), et me dirige vers ce que j'estime être le début de la voie : glauquissime. Une cheminée noirâtre descend de la vire supérieure, en rocher froid et surtout humide. Un vrai plaisir pour s'échauffer en somme. Son escalade s'avère malgré tout intéressante, la majeure partie s'effectuant en oppo, jusqu'à un petit passage un peu plus délicat. Les premiers doutes apparaissent, les premières peurs aussi. Quelques moments pour se reconcentrer, un pied que l'on place mieux et je peux repartir. L'événement est déjà oublié, la peur passée et la tête ailleurs, plus haut, dans les autres difficultés qui se profilent. J'arrive donc aisément à la grande vire qui raye toute la face. En effet, cette partie de l'occidental du Soreiller se compose d'un socle d'environ cinquante mètre puis d'une large vire peu ascendante et enfin de la face proprement dite, redressée et très esthétique. Le dièdre Candau serpentent dans celle-ci tel le diable voulant faire commettre le pêcher originel au pauvre petit homme sans défenses. La montée au pied du dièdre n'est donc qu'une formalité. Mais quelle plaisir de doubler les cordées toutes proches, galérant dans des passages faciles, à cause de leurs cordes. Quelle plaisir aussi de se sentir regardé, jalousé, insulté même peut-être, assurément en tout cas s'il s'agissait de journalistes pour qui danger rime avec inconscience et plaisir avec lâcheté. Je savoure une dernière fois mon plaisir en regardant ces mannequins pendus au bout de leur corde, puisque mon entrée dans le dièdre ne me permettra plus de les voir.

Il est 11 heures, cela fait dix minutes que je suis parti et 100 mètres ont déjà été gravi. Je rentre enfin dans le vif du sujet. Un premier passage scabreux semble pouvoir s'éviter par la droite mais c'est moins joli. J'hésite, commence le passage délicat puis renonce sans avoir réellement essayé de monter. Je ne suis pas là pour me mettre terreur, au diable l'esthétisme, le but est aujourd'hui d'arriver au sommet avec un minimum de frayeurs. J'escalade donc deux mètres à droite. La suite n'est que plaisir, sur un granit magnifique, des prises franches et un gaz assez présent, le dièdre étant légèrement déversant et ne permettant pas de voir le pied de la face. Je grimpe allègrement pendant une centaine de mètre jusqu'à un petit surplomb. Vient alors la peur et l'hésitation. Je me décide à y aller mais les prises me paraissent désormais plus petite et plus fragile. Ce gros plat à ma droite, en temps normal, je l'aurais pris à pleine main, si sa rupture n'entraînait pour moi une mort certaine. Je me décide tout de même. De toute façon il n'y a pas d'autres choix et cette prise n'a aucune raison de se casser, même si l'on se trouve en Oisans. Simplement, le fait de passer un surplomb et de mettre ainsi beaucoup plus de poids sur les mains est angoissant...

Cette difficulté passée, non sans un petit frisson, je peux reprendre mon bonhomme de chemin et me concentrer sur les problèmes à venir qui semble se profiler une cinquantaine de mètres au dessus de mon casque.

C'est sans le moindre heurt que j'arrive au pied de ce second surplomb aperçu quelques minutes auparavant. Mais là, cette fois, j'ai droit à un allé simple pour le pays de la terreur non sans avoir droit à un sympathique cancer des mollets. Parqué sur la droite du surplomb, je ne sais que faire. Passer tout droit ne me paraît pas jouable de même que la traversé à gauche. J'hésite, je me chie même diraient certains. En appui sur le pied droit puis sur le pied gauche, une main qui tâtonne à gauche, une autre à droite, ça passe pas ou plutôt, je ne passe pas : je ne sens pas le passage. Des fourmis commencent à me tenailler les mollets. Il faut y aller. Comme la retraite est à priori impossible, je dois bien me décidé à partir. Je suis en fait dans la position où on désirerait avoir un point à clipper. Le moment où, voyant un point, on se chie et on clippe. Mais là, je ne peux pas, il n'y en a pas. Je m'engage donc dans la traversée délicate sur la gauche : je sers les fesses, je sors les griffes et pince les prises de toutes mes forces et ... ça passe. Certainement que Gab trouverait à redire sur la façon donc j'ai effectué le passage, sur le style peu académique et la perte inutile d'énergie dépensée à muler sur les prises. Mais l'essentiel était bien de sortir ce pas scabreux.

Cette difficulté passé, il ne me reste plus qu'à randonner jusqu'au sommet de la voie. 50 minutes, c'est le temps qu'il m'a été impartie pour effectuer cette voie qui se déroule normalement sur 4 heures. Je suis assez fier de moi. Seul deux petites peurs ... Il ne me reste qu'à rejoindre le sommet avant d'entamer la descente par l'arête est. J'en ai d'autant plus envie que nous n'y étions pas allés avec Romain lors de notre précédente épopée sur cette même montagne.

Cette arête se révèle très belle et effilée, sur de gros blocs de granit très chamoniard, de jolies dièdres se profilant ici et là, rendant l'escalade fort agréable. J'atteint le sommet, et peux ainsi faire une pause pour la première fois depuis mon départ dans la voie : mon baudrier me sert enfin, pour accrocher mon micro sac à ma vache afin qu'il ne tombe pas quelques centaines de mètres plus bas. Deux, trois biscuits avalés, un petit regard hémisphérique, histoire de et j'entame la descente, toujours dangereuse, souvent agacente. La première partie jusqu'au col oriental du Soreiller se passe sans encombres. Je peux alors jeter un petit regard sur le magnifique '5.4' qui descend dans le vallon de la Selle. Il ressemble plus à une goulotte qu'à un couloir mais me fait frissonner a l'idée de le descendre à ski. Pour ma part, la descente se passe de l'autre coté, dans un couloir bien moins raide mais très pénible ou chacun de mes pas fait tomber une pierre. La ramasse sur le névé final n'est pas non plus des plus facile en tennis.

J'arrive tout de même tant bien que mal jusqu'au refuge et entame sans même m'arrêter, la descente vers la voiture. Un dernier petit regard pour la Dibona avant de passer le torrent et me voilà arrivé au pied de la chère petite Golf, toute pimpante, prête à me recevoir après cette journée de varappe somme toute assez courte (6h00 voiture voiture).

Je m'en retourne alors vers ma demeure, fier petit chalet accroché à sa montagne, non sans quelques insultes après les handicapés du volant. Puis, un grand verre de coca à la main, étendu dans le transat, les doigts de pied en éventails, je songe au privilège que m'offre la vie en ma laissant crapahuter librement dans ces contrées sauvages...

Maxime Bertrand