Warning: main(http://paleo.blms.free.fr/menu/menu2.php) [function.main]: failed to open stream: Network is unreachable in /mnt/107/sda/4/e/paleo.blms/php/template_recit.php on line 22
Warning: main() [function.include]: Failed opening 'http://paleo.blms.free.fr/menu/menu2.php' for inclusion (include_path='/mnt/107/sda/4/e/paleo.blms/include:.:/usr/php4/lib/php') in /mnt/107/sda/4/e/paleo.blms/php/template_recit.php on line 22
Suprême de faces Nord sauce Belledonne
ou « Zoom zoom zen, dans mon Bens Bens Bens »
Pic du Frène Grand Crozet Grand Charnier d’Allevard
16 mars 2003
Il est des sorties dont on se souvient et qui marquent une
saison, parfois jusqu’à en devenir l’emblème. Les empilements dans les Ecrins
en 2001, ou encore la trilogie de Blonnière l’an passé en sont l’illustration.
Pour 2003, les choses sont plus tristes malheureusement. Vincent s’est blessé
gravement au genou début décembre, une semaine après la joie d’un retour aux
affaires tonitruant au Mayer Dibona, le couloir fétiche du BLMS. Comble de
l’ironie, c’est au coeur d’un vallon avec qui nous entretenons des rapports
presque intimes (entre buts et succès, on finit par s’attacher) que la Star a été
meurtrie dans sa chair, alors que le B et le M s’en sortaient avec bien plus de
chance, au prix tout de même d’une grosse frayeur.
Depuis, nous avons tous repris le cours de nos vies. Max
vient nous rendre d’épisodiques visites qui permettent de se mettre terreur en
cascade ou de peaufiner la préparation d’ambitieux projets extrêmes en
photographiant les faces; Matt s’en est allé se ressourcer au pays des tapis
volants et des lits à clous pendant trois semaines en compagnie de Lily,
dépaysement garanti. Vonk s’est attelé à sa rééducation en profitant de la vie
familiale, dépassant les espérances des chirurgiens en flexion et, pas plus
tard que ce week-end, chevauchant sa toute nouvelle acquisition: un VTT
Lapierre hyper light à 1300 € ! Superbe
objet, dont le Kid de Sassenage fera à n’en pas douter un excellent usage.
Quant à moi, entre vie à deux, la grimpe, les petites sorties ski seul ou avec
divers équipiers historiques (BM) ou pigistes de luxe (Olivier Torineski, Bubu,
Fab), les week-end à Méribel ou les visites à Turin, pas le temps de s’ennuyer.
D’autant que la perspective de rentrer enfin sur Grenoble me réjouit au plus
haut point: finies les trois cent vingt bornes quotidiennes de bagnole, finies
les semaines ultra chargées, finie la fatigue malsaine de ces trajets
incessants… et finis les gros sous ! Mais bonjour la qualité de vie !
C’est en ce sens que j’ai anticipé mon retour vendredi pour
une sortie (très) matinale avec le Borsd. Entre collègues grassouillets
pseudo-malades, vacances renégociées dans les couloirs et ambiance de
pré-départ de Suisse, je me suis dit que je pouvais bien me “rembourser” une
journée de 4/5 unilatéralement supprimée depuis fin décembre pour m’adonner à
une activité bien plus noble que la ponte de code. Objectif de la matinée donc:
face Nord Est du Grand Replomb. Du ski béton dans les vernes, aussi bien à la
montée qu’à la descente, un couloir d’accès étroit, raide, et en neige dure au
dessus du lac de Crop, puis une portion plus molle, en poudre tassée, avant un
dernier coup de cul à quarante cinq pour déboucher sur le plateau sommital du
Replomb. Matt, à la bourre, était déjà redescendu après avoir carvé pour la
caméra. Du sommet, je profitais du panorama exceptionnel et du grand soleil, alors
que le bassin Grenoblois croupissait sous une couche de nuages qui d’ici,
m’isolait un peu plus du monde criard qui s’ébrouait lentement deux mille trois
cent mètres plus bas. La descente, du bonheur en veux-tu en voilà, présentait
comme point d’orgue la section soutenue du bas, un bon quarante cinq parfois,
en neige presque revenue et très régulière: superbe. De retour à la bagnole, je
faillis perdre ma bonne humeur en découvrant avec effarement que la route
(déserte en pleine nuit) sur laquelle nous étions garés, était maintenant
bardée d’autos, parquées comme en pleine ville ! Une devant, une derrière !
Impossible de bouger miss Clio et ses “slicks retaillés” ! Avec l’aide d’un
randonneur-baroudeur bien sympathique, nous parvenons finalement à sortir l’auto
de ce bourbier, à grands renforts de terre pelletée sur les bas côtés et de
poussettes viriles: ouf ! La journée n’est pas gâchée… A ce propos, il est
amusant de noter la prouesse du B au même endroit quelques heures plus tôt. Il
est cinq heures quand la petite 106 s’enlise au dessus de Prabert dans la neige
gelée qui recouvre l’habituel ruban de bitume. Un peu en vrac, elle ne veut
plus bouger, même pour redescendre. Je parviens à garer ma Clio un peu plus
bas, et, alors que j’arrive pour prêter de nouveau main forte à la Bête après
un essai infructueux, je vois qu’il s’en est sorti tout seul. L’explication
qu’il fournit est assez ahurissante: il a passé la marche arrière et embrayé:
les roues patinent. Quittant son siège, il a poussé l’auto comme une mule, et
dès qu’elle s’est libérée et a commencé à descendre toute seule sur la route,
il est rentré in arrachis au poste du
conducteur pour parvenir à arrêter
l’embardée: voilà une manip qui aurait pu coûter une paire d’euros !
L’après-midi, je me fends d’un tour de moto pour faire rugir
le Gésix et user mon cuir. S’en suit un peu d’ouvrage de gueule à Espace
Montagne pour pester contre ces chaussons thermoformés qui me thermodéforment
les pieds, amenant leur cortège d’inflammations jusqu’au sang et autres
ampoules bleuâtres: inacceptable pour des merdes synthétiques à douze cent
balles. Bref, le temps de treffer le Vonk qui posait les ultimes questions
techniques à l’artisan de chez Lapierre avant de signer le chèque pour son
nouveau deux roues, et le soir était venu. Un samedi calme à déambuler dans
Grenoble et dans Lyon avec Elsa, histoire entre autres de se délester de
quelques euros superflus pour acheter un nouveau mais ô combien nécessaire
surpantalon Patag pour remplacer le Millet orange complètement déchiqueté. Pour
finir, rien de tel qu’une petite séance de ciné avec la belle et le Bounz pour
se détendre avant ce que je pressens être une grosse bavante: le choix du jour
se porte sur la 25ème heure,
étonnante oeuvre de Spike Lee qui s’avère assez violente mais très émouvante:
faut que j’envoie un télégramme de félicitations à ce bon vieux Spike. Retour à
la maison, bouclage du matos et collage de ces peaux fatiguées pour ne pas
avoir à sortir le strap. Vite, du sommeil, la journée s’annonce longue…
Rendez-vous est fixé à six heures et demi sur le parking de
Crolles. OT arrivant de Valence, nous l’attendrons quelques minutes, qui m’ont
quand même fait douter sur la qualité des infos de guidage que je lui ai
fournies. Mais c’est bon, le voili le voilou. C’est un Olivier new look que
nous découvrons; le cheveu fraîchement coupé, la barbe savamment désordonnée
(ça c’est pas nouveau), le pantalon Mammut tout neuf ! Où est-il, mon Olivier
bourru du Grand Veymont ? Quid de la crinière folle ? Quid du futal “violet
passé” si follement décadent ? Notre homme a fait peau neuve, mais c’est bien
le même camarade enjoué qui nous a rejoint. Matos bien arrimé, Xsara bien
fermée, Bordin bien attaché, et zou, en route vers Allevard !
Klang, bong, kling, ça monte, ça monte ! Les pierres et
autres branches cognent sous la Xsara dont la garde au sol paraît limitée pour
ce genre d’exercice. Au dessus de Saint Hugon, dans le vallon du Bens, nous
imitons Pierre Lartigue avec sa Citroën de rallye raid afin de gagner le plus
de temps et de dénivelée possible. Rive gauche, notre chevauchée est vite
stoppée par un sapin couché. Qu’à cela ne tienne, nous passons sur un petit
pont en contrebas pour filer rive droite, sur un chemin forestier raide et
défoncé. L’auto semble tenir bon, jusqu’à un dernier coup de cul gelé qui ne
sera pas franchi. Nous laissons tomber, et effectuons un demi tour afin de
libérer la place sur le sentier, le tout dans une champêtre odeur d’embrayage
chauffé et de gomme fumante. L’altitude est d’environ neuf cent mètres… pas
gagné ! La neige n’est pas encore au rendez vous, c’est donc dans une ambiance
de trek que nous quittons notre véhicule: skis, sacs, et coques sur le dos.
N’ayant pas prévu cette éventualité, je me retrouve en sandales au petit matin,
et bientôt mes orteils m’annoncent l’arrivée possible d’une onglée si je
persiste; il faut dire que les quelques incartades sur la neige que m’impose le
chemin ne leur fait pas du bien: on va s’équiper. La route forestière monte
lentement jusqu’à la cabane de Cohardin, et les quelques ruisseaux qui la
traversent nous les cassent car ils causent autant de déchaussages. Olivier en
fera d'ailleurs les frais puisque, pas encore bien réveillé, il s’étale sur une
plaque de glace. Au fil de l’ascension, longue et lente, il nous arrive
d’apercevoir les faces Nord du Pic du Frêne et du Grand Crozet, nos objectifs
(avoués) du jour. Le Grand Charnier n’est pas encore ouvertement envisagé, mais
il trotte dans nos caboches, il s’insinue petit à petit. Bon Dieu que ces montagnes
semblent lointaines !
Régulièrement mais inexorablement, et à la non-surprise
générale, Matt et Olivier s’éloignent devant, creusant l’écart avec leur
acolyte qui a décidé de monter à son rythme afin de ne pas trop se griller sur
une course aussi longue. D’une petite dizaine de minutes, mon retard va jusqu’à
largement doubler lorsque mes amis prennent pied sur le plan des Férices. La
faute à une alimentation légère ce matin, et aussi au fait que ma motivation va
crescendo au fur et à mesure que la journée avance. Je prends un point de
repère situé au niveau d’un gros rocher caractéristique aux abords de l’arête
Est du Grand Crozet afin de mesurer l’ampleur des dégâts horaires sur mes
locomotives. Le paysage est somptueux : un grand cirque de fond de vallée
s’offre à nous, une étendue blanche presque écrinesque dominée par de forts
sommets rocheux parcourus de belles langues de neige et de glace. L’impression
de se trouver au bout du monde. Alors que je pointe avec vingt cinq minutes de
retard, je remarque que le rocher « point de contrôle » suivant
a disparu : il se trouve, à ma grande surprise, explosé en deux et se
situe quelques centaines de mètres plus loin : deux skieurs ! Mes
deux coéquipiers montés sur turbines ont déjà enrhumé ces inattendus bipèdes,
il me faut en faire autant ! Une bonne pause mars-pipi (je n’ai pas encore
le réflexe de pisser à ma guise, même si mon nouveau surpantalon me le permet
désormais…) m’ayant remis d’aplomb, j’attaque, sans mollir, la remontée vers le
petit cirque formé par le Pic du Frêne et la face Sud du Grand Crozet. Je
parviens, sans trop me mettre dans le rouge, à bouffer le premier skieur,
visiblement à l’agonie, et qui aura tout juste rejoint la brèche du Frêne, son
objectif (à la vitesse où le brave homme progressait on pourrait dire son
rêve), alors que nous remonterons vers le Grand Crozet pour attaquer le second
couloir. Le premier gugusse, grossissant dans mon viseur, sera épargné car nos
chemins divergent… J’arrive sous la ceinture rocheuse ornant la face Nord du
Pic du Frêne un quart d’heure après qu’Olivier en soit parti. Il est temps de
changer de mode : crampons, piolet, casque, on attaque la partie technique
de la sortie. Skis sur le dos, une gorgée d’eau, un goûter aux écorces et un
mini Nuts, un supo et go ! On se rend de suite compte que cette face est
très courte, cent cinquante mètres à tout casser. Mais dès les premiers pas, on
sait que l’on ne sera pas déçu : c’est raide, voire très raide. Les
premiers mètres sont en neige glacée, on repère déjà le passage pour la
descente. La suite ? Une pente un peu plus calme (un bon gros quarante
cinq tout de même), de la poudre tassée, jusqu’à un bombé d’une quinzaine de
mètres, très raide, et en neige plus dure. Ce dernier, rapidement négocié,
m’amène sous une corniche à vingt petits mètres du sommet (rendu inaccessible
par de la glace vive) où Matthieu et Olivier m’attendent en cassant la croûte
joyeusement.
Nous avons déjà mille neuf cent mètres de dénivelée dans les
guibolles, ça compte ! L’ambiance est exceptionnelle : la vue, le
soleil, la chaleur là où nous avons posé nos fesses, dans la neige à deux pas
de la corniche, contrastent avec le froid, l’austérité, la pente et les rochers
de la face Nord qui s’élance sous nos pieds. Après avoir ingurgité quelques
sucreries et régurgité quelques plaisanteries, dégusté une petite onglée bien
incisive, nous serrons les coques, rangeons les crampons, et
« clac fait le verre en tombant sur le lino, je me
coupe la main en ramassant les morceaux »
Non, non, je me trompe de décennie, je pense trop au vieux
fut d’Olivier…
« clac fait la fixe sur le talon de ma grolle yo,
j’suis super motiv, ça va y aller go go ! »
Alors que je m’entête à rester dans les traces irrégulières
de montée, Matt et Oliv optent pour une contre pente en neige plus souple et
ils ont raison, c’est bien meilleur. Nous nous rejoignons au bombé qui présente
un bon grip incitant Olivier à placer un beau virage sur le haut. Une fois
cette difficulté franchie, nous enquillons les courbes dans la grande pente
centrale, en poudre tassée : un vrai festin. La fin du couloir est un peu
plus délicate, une traversée en neige glacée me donne quelques sueurs et je
sors le piolet pour assurer le coup. Matt et Olivier sont déjà prêts à remonter
vers le Grand Crozet. Je pose un ultime virage, négocie une traversée un peu
gelée, traverse le cirque ; me voilà avec eux. Pas la peine de rephoquer
ici, on strappe les skis sur le sac et on fait fumer les cuisses sur quatre
vingt mètres, la brèche est atteinte. Alors que nous cramons nos visages au
soleil, le simple fait de basculer au Nord donne une idée de ce qui nous attend
pour la suite : grosse pente d’entrée de jeu pour un départ étroit, neige
un peu glacée sur les premiers mètres, le tout à l’ombre… voilà qui donne une
ambiance sérieuse.
Nous rechaussons nos skis et enchaînons les premières
courbes avec prudence. Je me permets même un virage sur une neige dure et
irrégulière, qui faillit mal se terminer… mais ça passe ! La suite de la
face est en meilleures conditions : remettez nous une couche de poudre
tassée, garçon ! C’est à s’en gaver. Olivier embraye sur une série de
virages de slalomeur, Borsd fait chauffer ses inépuisables cuisses en empilant
les virages sautés par dizaines, tandis que je m’efforce d’enchaîner les
courbes autant que je peux avant que mes cannes ne crient pitié. Quatre cent
bons mètres de pur plaisir nous amènent au pied du mur. Que faire ? Nous
avons signé nos deux couloirs, la sortie est un succès. Il est près d’une heure
et demi, six heures se sont écoulées depuis notre départ. Je ne me sens pas
trop mal, il me reste quelques réserves malgré les deux mille mètres que nous
avons déjà avalés… J’imagine que Matt et Oliv sont au moins aussi bien. Ainsi
je ne suis pas surpris de voir mes deux compères loucher avec insistance vers
le Charnier. J’ai compris, et je leur donne mon accord dès que la question
m’est posée : nous allons enchaîner avec une troisième face Nord réputée,
celle du Grand Charnier. Je sais que je vais en chier mais je sais aussi qu’en
cas de succès, nous allons signer une des plus belles réalisations dont on
puisse rêver dans ce massif. En 2001, à une semaine de mon opération de
l’épaule et après trois mois d’absence, je n’avais pas trouvé les ressources
physiques et mentales d’enchaîner le col de Bonnepierre en compagnie de Max et
Vonk, tout à ma joie d’avoir bladzé le Mayer. Cette fois, je me ferai violence
pour ne pas rater l’évènement.
Nous nous alimentons quelque peu avant d’attaquer les quatre
cent mètres nous séparant du sommet. Ecoeuré par les Nuts, Mars, et autres
goûters aux écorces qui composent la liste exhaustive de mes vivres de course,
je taxe une pâte de fruit au B. Après avoir bien bu, recollé les peaux, et
réuni nos forces, nous repartons. Le B ne quitte pas la tête du convoi, comme
d’habitude, et trace la route vers le col de la Bourbière. Derrière, Olivier
suit à distance, talonné (un léger soupçon de fierté m’envahit alors que je
tape ce mot… oui talonné, parfaitement Monsieur) par son altesse le L, qui n’aime
pas tracer parce que la neige est trop molle pour lui. Il nous faudra trois
gros quarts d’heure pour nous affranchir de ces dernières pentes, péniblement.
Matt a quant à lui visité le sommet, cherché le bon itinéraire pour finalement
nous attendre juste à côté des rochers du sommet Est, où débouche l’itinéraire
de la face Nord directe qu’il a déjà parcourue jadis. Je dois dire que mon état physique laisse à désirer lorsque nous
retirons les peaux pour la dernière fois de la journée. Je suis lessivé, et les
huit cent mètres de face qui nous attendent vont à coup sûr m’étriller les
pattes encore d’avantage. Matt, de son côté, ne rêve que d’une chose :
mille mètres de dénivelée supplémentaires ! En apprenant la nouvelle, je
sors mon portable pour le faire interner mais le réseau récalcitrant m’en
empêche : ce sera pour une autre fois ! Je prends tout de même le
temps d’envoyer un SMS à ma belle pour ne pas qu’elle s’inquiète de l’horaire
que je lui avais annoncé, et que nous allons exploser. Le Torineski conserve sa
bonne humeur et son optimisme inébranlable : tout va bien se passer.
Je risque une dernière fois l’onglée en shootant les deux
zouaves dans le haut du couloir, puis bloque mes fixations, range le S45 dans
la ventrale du Dynacham, et décoche les premières courbes à mon tour. Et le
miracle se produit : la neige est absolument irréprochable, la meilleure
de la journée. Fa-bu-leux. On en oublie tout : la fatigue, les ampoules,
la soif ; seul le plaisir de skier demeure. C’est raide, c’est tortueux,
c’est technique, c’est du bonheur à l’état pur. Les virages s’enchaînent, le
crux un tantinet rocheux est négocié en pleine confiance, avec sérénité. Parce
que notre pari a été payant, parce que nous le savons, et surtout parce que
nous réalisons là trois belles descentes dans des conditions idéales. « The
right time in the right place » disent les rosbeefs. Difficile de donner tort à cette maxime lorsque l’on vit de
tels moments de félicité. Dans le bas du couloir, un dernier passage exposé au
dessus de barres rocheuses donne accès au cône de déjection, d’une qualité
optimale lui aussi. Nous en profitons avant de débarquer dans le monde du
soleil… et de la neige croûtée. Exténué, je m’attache surtout à y perdre de
l’altitude, alors que Matt nous attend déjà aux abords de la forêt. Olivier
attaque encore fort, et finit par chuter, les meilleurs n’étant pas toujours à
l’abri. Bilan : une oreille « frittée » et un nez un peu
ensanglanté : de quoi effrayer Mareva ce soir et alimenter les chroniques
du lycée où il enseigne !
La suite, et la fin, est classique : descente en forêt
sur un chemin étroit, puis un calvaire pour moi une fois la baraque de Cohardin
atteinte : pas de patineur, remontées, et autres franchissements me font
couiner de douleur : j’ai désormais tout le loisir de m’intéresser à mes
plaies aux pieds : celles des tibias sont réouvertes, mes ampoules se sont
creusées, d’autres sont apparues ; bref, ce n’est pas la fête, et le
chemin menant à la Xsara me semble interminable. Lorsque j’arrache ces maudites
coques de mes pieds fumants, je me dis qu’une bonne semaine de repos me
permettra de soigner tout cela. Olivier et B, loin de ces considérations somme
toute anecdotiques, savourent cette grande journée, le cul dans l’herbe, un
gros sourire aux lèvres. La sortie idéale ? Pas tout à fait. Nous avons
dans l’idée de répéter autant que faire se peut les courses que le Vonk a
réalisées sans nous. Aujourd’hui, nous avons scoré certes, mais ne cachons pas
que ce bougre de pétomane Diois nous manque. Il n’est pas le seul ; ces
itinéraires de grande ampleur sont aussi l’apanage du M, pas souvent à
Grenoble, mais ne ratant presque jamais un grand rendez vous. On se souvient de
ses « piges » fructueuses au Glacier Noir notamment, à Bonnepierre ou
encore aux Vacciviers. Cette fois, le Meusien n’était pas de la fête, usant de
ses charmes pour faire succomber sa belle famille. Ce n’est que partie remise,
et mon distingué collègue du BLMS handisport se joindra certainement à nous
prochainement, pour d’autres aventures, sur des sommets peut-être plus
prestigieux. On apprend en effet aujourd’hui par Volo et l’impayable Bubu
l’ouverture officieuse de la route de la Bérarde. Et avec elle, de nouvelles
perspectives en haute montagne…
|