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L'homme du jour

Pilier des Lavandes
aux
Aiguilles de Benevise


21 septembre 2001

Le jour tant attendu est enfin arrivé ! Le 21 septembre 2001, soit quatre mois après mon intervention chirurgicale, j'ai officiellement l'aval du corps médical pour reprendre " progressivement " les activités sportives. Enfin ! serait-on tenté de dire, tant l'attente fut longue, et les frustrations nombreuses. Il va sans dire qu'en bon membre du BLMS, je n'avais pas franchement attendu cette autorisation pour remettre les doigts sur le rocher et faire quelques sorties. Début juillet, un petit solo au Gioberney pour tâter de l'ambiance haute montagne qui commençait à me manquer cruellement. Des vacances paisibles en Corse en compagnie d'Elsa, qui avait d'ailleurs partagé ma vie grenobloise ce même mois là, puis un retour " progressif " (selon l'expression consacrée) aux activités de montagne. Un petit tour sur les dalles du Galeteau avec Arnaud, un débutant sympathique du boulot. Une sortie collégiale co-dirigée par le Brun sur la Dent de Crolles en compagnie de deux débutants, la cheminée de l'Y à Chamechaude, dans la brume, avec le Vonk, puis l'arête Ouest de l'Aiguille Centrale du Soreiller, dans des conditions un peu sévères, avec le Brun encore une fois. Après avoir écumé le Margueritat, je me sentais fin prêt pour de nouvelles aventures avec le célèbrissime BLMS. Certes, mes bras ont fondu, j'ai encore quatre kilos à récupérer pour atteindre mon poids de janvier dernier, mais l'envie d'en découdre est forte et compensera ce handicap, j'en suis persuadé.

En ce week-end de septembre, le premier de l'automne, Matthieu est en voyage au pays des Allemands, ou pas loin, en visite chez sa grand-mère. " Activité d"inter-saison " souligne le grand blond, encore tout frais débarqué de son périple en Amérique du Sud avec sa tendre Lily. Un échec au Huayna Potosi n'a pas entamé la bonne humeur et la placidité sans faille du Borsd qui ne devrait pas tarder à nous inviter à manger chez lui pour découvrir les photos du séjour…

En ce qui concerne les deux membres en vacances (une semaine de congés payés pour les deux dernières lettres du fameux sigle… et une semaine de Papet-Lépine pour les deux autres), ces jours sont marqués par la malchance. Ils empilent les buts et les déconvenues météo avec fatalisme, mais ont-ils vraiment le choix ? D'un point de vue personnel, pour Max, la roue a tourné et il est de mon devoir de signaler dans ces lignes que le beau Meusien, comme on aime à l'appeler dans un petit village perdu du Congo (ou du Mali je ne sais plus), a renoué avec le sexe opposé. Pour que ce retour soit une vraie fête, il a décidé d'y mettre un peu de fantaisie… et beaucoup de couleur. Welcome back Moux !

Vonk, de son côté, n'a pas tardé à rentrer au club des " loosers " autoproclamés de la route. En effet, après mon excès de très grande vitesse (un plus soixante qui aurait pu être bien pire) il y a de cela un gros mois, c'est au tour de la Star d'être victime du plan " vigi-BLMS " mis en place par les services de police et de gendarmerie de la région. Un feu grillé en pleine nuit, et c'est déjà six cent soixante quinze francs qui seront débités du compte de notre ami, avant même que l'infraction n'entre en ligne de compte ! Incroyable ! La connerie et l'application "à la lettre et surtout sans discernement " du règlement de certains fonctionnaires est effrayant…

Il semble que la rentrée de chacun se soit donc passée plus ou moins dans la douceur, il restait à effectuer un retour " commun " aux affaires. Le BLMS ouvre ses portes, approchez mesdames et messieurs, le spectacle promet, comme d'habitude, d'être grandiose ! Au programme de ces deux jours dont la météo est incertaine, deux grandes voies d'escalade au pays du Fiori : le Diois. Rappelons que les trois autres membres du BLMS ont été échaudés par leur première expérience dans ces contrés, l'an passé : la voie Livanos à Archiane est encore dans les esprits quand nous nous embarquons pour le sud Vercors… Mon réveil est des plus agréables : un coup de fil du Vonk pour m'annoncer qu'il sera prêt avec une heure d'avance, et me sommer de bouger mon arrière train ! Certainement oui… Enfin, faisant de mon mieux, je suis à dix heures au Parc du Roy à Sassenage, et je fais biper le portable de S. Aussitôt, deux bouilles souriantes apparaissent à la fenêtre de l'appartement Fiori donnant sur le parking. Ca y est, ces deux attardés m'ont reconnu, me dis-je, mi-affligé certes, mais très heureux de me sentir de nouveau partie prenante de la vie de notre groupe.

Ne nous attardons pas trop sur le voyage, il fut dans la lignée de la plus grande tradition : courtoisie et conduite coulée. A signaler toutefois la fausse promesse du Vonk au départ de la boulangerie de Vif :

" On y va doucement, tu nous rejoins… "

- OK, j'arrive, réponds-je, les mains dans les poches, en me dirigeant tranquillement vers mon auto garée à quelques encablures, laissant filer quelques fléaux derrière la 206 grise qui devient ma cible.

Bilan des courses : une montée des plus rapides sur la route de Monestier, avec des passages vraiment très vite dans portions roulantes, avant de voir réapparaître la petite auto qui a tout fait sauf amuser le terrain, grâce à son couple généreux et à la parfaite connaissance du terrain de son pilote. Lors des dépassements cependant, quel plaisir d'avoir de la praline sous le pied droit, vive la Clio ! Un dernier mot pour finir, concernant le col de Menée et sa redescente sur Benevise : du plaisir à l'état pur sur une route sèche et déserte. Le petit village destination est calme, bercé par le rythme des saisons et de la tronçonneuse d'un habitant affairé. Une pause déjeuner s'improvise de suite, saucisson, fromage, pain, et chocolat sont de sortie. Les affaires sont bouclées dans la bonne humeur, le temps estival nous ravit, et Max finit même par porter la corde ! Tout arrive ! La marche d'approche est conviviale, nous sommes tous à la joie de cette après-midi à passer sur cette chaude paroi de calcaire, dans une escalade qui ne doit pas poser trop de soucis, 5+/A1 et 6c/A0 comme points clés de la voie. Cotation annoncée par Serge Coupé : TD. Pas de quoi ébranler notre orgueil…

Sur cinq longueurs annoncées, j'ai l'honneur d'effectuer la première en tête. En effet, je laisse l'essentiel des difficultés à mes amis qui n'ont pas de handicap physique particulier, ce qui n'est pas mon cas. La voie débute par une longueur d'une trentaine de mètres en rocher très moyen, piles d'assiettes par-ci et blocs branlants par là. Je suis assez lent et pas très rassuré, ne protégeant sans doute pas assez les passages, utilisant un coinceur en tout et pour tout. Au relais, il fait déjà chaud, et je sors la plaquette pour assurer les collègues. Max grimpe torse nu, ce qui nous donne l'occasion de constater que la Menace a lui aussi perdu un peu de sa musculature autrefois abondante… Les temps changent, comme nous le verrons dans la suite de cette journée.

Le soleil cogne vraiment dur et la paroi me semble vraiment redressée, fini les dalles pauvrement inclinées et autres arêtes poussives signées Margueritat ! L'escalade, c'est difficile dès que c'est raide, je l'avais un peu trop vite oublié ! Vincent traverse légèrement sur la gauche, recoupe en ascendance sur la droite, puis finit par rejoindre le pilier équipé qui s'élève au dessus de notre relais.

" Putain, ils ont foutu des spits partout ! " s'écrie le grimpeur en tutu Patagonia éraflé…

Cette seconde longueur est ponctuée par une petite difficulté, cotée V+ " à l'ancienne ", qui nous fera tous plus ou moins souffrir. Ca promet ! La troisième débute par une traversée " croix de fer " sur deux superbes poignées de valise, puis s'élève via un dièdre vertical aux prises franches mais peu commodes. Max et moi taillons le bout de gras au relais, pendant que le Vonk gagne de l'altitude. L'escalade est de toute beauté. Le rocher, pas franchement friable, n'inspire cependant pas confiance : des écailles d'une demi tonne sonnent creux sous les mains ou les pieds, ce qui incite à la prudence. Certains passages au cours de cette longueur et de la suivante, en rocher gris et parfois sculpté, sont somptueux. Vincent, en amoureux des lieux et en bon membre du BLMS, sort la mauvaise foi Dioise en comparant ni plus ni moins notre gros caïrn au Verdon ! L'après midi avance, le soleil est toujours prédominant dans le ciel du sud lorsque Max attaque en tête. Une très belle longueur, avec notamment un passage sympathique dans un beau mur aux prises horizontales et franches. Ca fait du bien ! Le relais se trouve sur une plate forme fort accueillante, au pied d'un petit sapin au bord du vide.

Il est à noter que cette voie, donnée pour cent soixante mètres de hauteur, s'avère très gazeuse, de part la verticalité de la paroi, et les pierriers raides qui constituent le lit de ces Aiguilles de Benevise. Cela ne fera qu'ajouter à l'ambiance de l'ultime longueur, où se situent également les difficultés de la voie. Le hasard a voulu que ce soit Moux qui s'y attaque. Muni de coinceurs et de sangles (on doit y trouver un passage d'A1), le Meusien s'engage dans les premiers pas de grimpe, faciles et très bien protégés par deux points rapprochés, le second présentant un ficélou. Au dessus de Max, une fissure malcommode d'une demi-douzaine de mètres, sans protection apparente. Elle débouche sur la gauche d'un surplomb d'apparence délicat, ce dernier étant lui-même dominé par dix à quinze mètres d'un mur très raide et peu prisu : la partie en 6c sans aucun doute, où, cette fois, les points d'ancrage semblent avoir poussé comme des champigons. Après quelques menues et légitimes hésitations, au vu de la fissure peu engageante qui se présente, et surtout, du risque de se fracasser sur la vire en cas de chute pendant les huit prochains mètres, Moux renonce sagement. Il propose de se barrer par l'échappatoire de droite, emprunté par Vonk lors de sa visite précédente avec son ami Nico.

De retour au relais, le Vonk fait savoir qu'il ne l'entend pas de cette oreille. Il décide d'aller voir si l'échec est inéluctable, ravale la corde, s'équipe, et s'élance. Il atteint bien vite le point de retour de M, puis, après quelques tergiversations, prend sa décision.

" Je vais y aller doucement ", lance-t-il.

Pour nous, au relais, tout va bien. S'il vient à tomber un mètre ou deux au dessus du point, il en sera quitte pour un bon vol. Au delà, ça pourrait être dangereux, car le risque de rebond sur la vire au dessous n'est pas à négliger. Mais nous pensons qu'il va renoncer tout aussi sagement dans quelques instants. Il n'en sera rien. Le Vonk progresse doucement mais sûrement, conforme à son plan de marche. Il grimpe lentement, mais il grimpe, et bientôt, il se bat pour placer un coinceur. S'ensuivent, un second, puis un troisième. Au relais, les bavardages ont cessé, nous sommes silencieux. Parfois, un " La vache, il se chie pas le con ! " nous échappe, du bord des lèvres. De là où se trouve le Vincent, un mètre sous le toit, il ne faut pas qu'il vienne à voler, ou alors, il faut absolument que ses coinceurs tiennent, sinon, ça va faire très mal à la réception sur la margelle… Nous l'encourageons, et nos sentiments sont mêlés d'admiration et d'incrédulité : depuis quand le Vonk est-il aussi à l'aise en grimpe ? Mon dernier souvenir remonte à une mémorable séance en salle l'hiver dernier où je sortais un 7a pendant que Vink échouait péniblement dans un 6a+. Merde alors, là, il donne une véritable leçon aux deux grandes gueules que sont L et M. Bientôt, il mousquetonne le spit au dessus du surplomb, et est hors de danger. Nous respirons de nouveau, et le félicitons. Vous voulez mon avis ? Lassé d'être charrié sur ses petits bras, il a tractionné en douce et récolte aujourd'hui les fruits de son abnégation hivernale. Ce que je dis n'engage que moi (et je suis sûr que le Vonk va démentir) mais ça ne m'étonnerait pas ! Pour le reste, que dire de plus ? Que la Menace et surtout la Légende ont galéré comme des mauvais dans cette maudite longueur, profitant de l'A0 et des nombreux bloquages de corde pour progresser. Au final, nous sommes bienheureux d'entamer les rappels !

C'est ainsi que Vonk a gagné son surnom d' " homme du jour ", car aujourd'hui, même si cela fait mal de l'avouer, il était bel et bien le plus fort. La fin de journée fut des plus douces : courses à Chatillon, puis préparation de la nuit dans le petit cabanon de Nico, à proximité des vignes. Une soirée calme et ensoleillée jusqu'au bout, parfumée d'une odeur quasi provençale et bercée d'une amitié solide entre trois hommes à qui ne manquait que le sourire d'un grand blondinet. Une ambiance digne du dîner aux cuisses de grenouilles dans " Les enfants du marais ", un film très poétique où les demeures des protagonistes ne sont pas sans rappeler notre cabane en ce soir d'automne. Je me permets de signaler mon " coup de génie ", qui, vous l'aurez compris, n'a pas eu lieu sur le rocher aujourd'hui, mais plutôt à l'heure de préparer le barbeque : l'oubli du papier alu pour les patates fut détecté à temps, ce qui nous permis de faire travailler le petit épicier du centre de Chat'. Ensuite, une belle nuit étoilée à déguster saucisses et côtes de porc, à la lumière d'un feu chaleureux. Une courte visite de Nico, venu nous border, et l'heure fut venue de se glisser dans les duvets, au chaud.

Pendant la nuit, le beau ciel étoilé se couvrit de lourds nuages, qui ne tardèrent pas à déverser leur sombre contenu au dessus de nos têtes. Bientôt, toute la région se mit à vivre au rythme des seaux d'eau qui s'abattaient sur le sol : la journée de samedi venait d'être annulée par les cieux, les seuls à être capables de s'opposer à la volonté du BLMS. Le petit déjeuner avalé tranquillement, Max et moi repartîmes en Clio sur la capitale des Alpes, pendant que le Vonk s'en alla saluer ses grands-parents et cueillir des champignons. Une activité sympathique à laquelle je m'adonnais joyeusement avec Elsa le lendemain, par une journée de pluie à Méribel. Pour conclure ce premier récit de mon " come-back " officiel, je citerai le Max, jamais avare de citations et autres…maximes : les membres du BLMS, ce ne sont pas des amis : ce sont des frères ! Et il est vrai qu'en compagnie de ce beau monde à la gare, une fois Elsa récupérée, je me sentais en famille. Nul doute que Mariane et Vincent, en libérant leur pensionnaire d'une semaine le soir même, ont ressenti pareille émotion.

Romain de Lambert